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Roschdy Zem retrace la vie du clown Chocolat, alias Rafael Padilla, immense artiste noir du début du siècle dernier injustement oublié. Dans les salles ce mercredi, avec Omar Sy dans le rôle principal.

Comment est né Chocolat ?
Roschdy Zem : Tout est parti d’une idée de producteurs, Éric et Nicolas Altmayer. Ils sont tombés sur un article qui parlait du livre de Gérard Noiriel, l’historien, où il retraçait le parcours de Rafael Padilla. Je suis arrivé assez tard en fait, ils ont d’abord contacté Omar qui était très excité par l’idée de faire un film sur le personnage. Quand on me l’a proposé, j’ai été frappé par ce parcours très singulier et surtout l’idée que Chocolat avait totalement disparu des tablettes et que je n’en avais jamais entendu parler.

Il semble totalement fou que l’Histoire l’ait oublié.
Oui, on s’en veut presque de ne pas avoir connu son existence. Mais qu’est-ce qu’il est apaisant de savoir qu’il y a eu un grand artiste noir en France. Ça fait partie de ces événements qui font du bien aux esprits. J’ai eu ce sentiment avec Indigènes aussi. L’histoire de Rafael, elle est de cet acabit là. C’est dingue comme ça soulage. Il a ouvert des brèches et son partenaire Footit aussi. Parce que ce duo comique a influencé ceux qui ont suivi derrière, et sans les nommer. À commencer par Charlie Chaplin et jusqu’à Omar et Fred ! C’est important aussi pour Omar de constater que son duo comique est indirectement inspiré de Footit et Chocolat. Il n’en avait aucune idée.

On imagine que le choix du duo a été délicat, il fallait trouver l'alchimie parfaite. 
Il m’a paru évident dès le départ qu’il fallait associer Omar avec quelqu’un du sérail. Et il y a un nom qui ressort très vite, celui de James Thiérrée. D’abord un acteur que j’apprécie et celui qui connaît le mieux le milieu. Sa vision du cirque et sa modernité me plaisaient et on lui a logiquement confié la création des numéros. James et Omar, c’est la rencontre du corps et du verbe. Ils ont préparé les scènes de cirque durant quatre semaines ensemble et je crois que leur couple s’est formé à ce moment-là, dans leur travail. Dès les premiers jours de tournage, la complicité était déjà installée. 


Comment filme-t-on le cirque, comment rend-on le dynamisme des numéros de clowns ?
Il fallait donner une vraie liberté à Omar et James. Ça bougeait beaucoup et s’il y avait de la précision dans leurs numéros, c’était rarement deux fois le même mouvement. Il a fallu s’adapter à leurs déplacements, avec l’utilisation de la caméra à l’épaule et du Steadicam. C’est grisant de ne pas savoir si on va pouvoir capter le moment précis. C’est un vrai challenge pour les techniciens et c’est terriblement excitant. C’est le cinéma comme on l’aime, car il y a un réel danger de rater ce qu’on veut capter. Si les numéros sont réussis, c’est qu’on a filmé le moment présent à chaque fois. On était dans un système de captation directe, tout en sachant que le travail final ne serait pas ça. C’est la partie qui a été la plus difficile à monter aussi. Mais je crois que ce qu’il en reste, c’est le suc de leur travail. 

À quel point avez-vous été fidèle à la réalité de l’histoire de Footit et Chocolat ?
On a pris beaucoup de libertés, parce qu’on a très peu d’éléments les concernant. Le travail qu’a effectué Gérard Noiriel s’inspire uniquement des articles de journaux de l’époque. Il a continué une enquête un peu plus approfondie suite au développement du projet mais on ne savait finalement que très peu de choses. Comme disait Dumas : "On peut coucher avec l’Histoire, pourvu qu’on lui fasse de beaux enfants" ! Forts de cette citation, on s’est permis pas mal de choses pour mieux raconter cette histoire et étoffer les personnages. 

Le film évite d’évoquer frontalement la thématique du racisme.
Oui, il n’y a pas de misérabilisme. C’était important d’éviter ces écueils de dénonciation d’une certaine époque. Les gens sont suffisamment intelligents pour savoir que le rapport à l’étranger et à l’homme noir était difficile. Tout ça est en filigrane et il était surtout important de raconter la grandeur du personnage. À travers le récit, on sent bien l’époque compliquée qu’il était en train de traverser.