On m'a demandé de résumer en une phrase votre film et je me suis retrouvé à dire que c'était un mélange des Révoltés de l'an 2000...Pas vu.de Esther...Mouais.de PolisseJe ne vois pas non plus.Bon c'est pas grave, on va zapper cette question, sinon il y avait aussi Carrie...J'aime beaucoup Carrie, je n'aime pas du tout Esther. Mais j'ai oublié ce qui m'a gêné dans Esther, parce que je l'ai vu en festival... il ne m'a pas laissé un grand souvenir. Carrie, la mise en scène et l'interprétation sont très belles, il y a des personnages forts, cette jeune fille étrange, sa mère complètement folle... Il y a des scènes puissantes.Vous n'avez pas un peu peur que des gens caricaturent le film en en faisant un sous-Carrie ?Les gens caricaturent toujours les films, catégorisent toujours les films, donc je n'en ai pas spécialement peur. Dès la bande-annonce il y a la référence à Carrie. Mais c'est différent, les gens verront, ils pourront distinguer. Je sais que vous n'êtes pas particulièrement fan de films d'horreur mais quelles sont vos références malgré tout ?Carrie et Le Village des damnés. Mais l'horreur en tant que telle j'aime pas tellement ça, dès que c'est trop gore... je n'aime pas, parce que je n'aime pas beaucoup la violence. Du coup je n'ai pas vraiment de références dans ce type de cinéma. J'aime bien Halloween, mais les trucs très sanglants je n'accroche pas. Ça fait du bien de revoir des enfants tueurs au cinéma, surtout ici, ça faisait longtemps que ça n'existait plus. Pourquoi d'après vous ?Alors ça j'en sais rien. Je n'avais pas remarqué cette disparition des enfants tueurs. D'abord, le cinéma français ne fait pas tellement de cinéma de genre, et un enfant tueur c'est une figure du cinéma de genre avant tout. C'est pas tellement un truc qu'on trouve dans du drame réaliste. Il n'y en a pas tant que ça mais c'est logique puisqu'on ne fait pas ce style de films. Par contre aux Etats-Unis il y en a encore, Esther c'était ça.Le cinéma fantastique/horreur est souvent méprisé en France, on parle de "cinéma de genre" une appellation qui concrètement n'a aucun sens. Quel est votre regard là-dessus ?Moi j'aime ce cinéma dit "de genre". J'aime les films fantastiques, j'aime avoir peur, j'aime tout ça. Donc je suis extrêmement frustrée, et c'est une situation que je regrette. Parce que moi personnellement je ne ferai plus de film de genre. Je veux dire que ce n'est pas possible : je ne trouve pas d'écho, de financement, là pour sortir, c'est la croix et la bannière... Moi je ne peux pas faire de film "contre" tout et tout le monde. Il faut qu'il y ait un minimum d'attente, d'accueil, de bienveillance. Je trouve qu'ici ce n'est vraiment pas le terrain, et je trouve ça un peu dommage. Et un peu incompréhensible aussi, parce que dans tout le reste du monde, c'est à peu près le genre numéro 1 du divertissement. Mais ici, non. Moi je n'aime pas tellement les comédies vous voyez, donc je suis un peu mal tombée. J'ai cru comprendre que même au niveau de l'utilisation des enfants acteurs, ça a été compliqué ?La Ddass ne m'a pas donné l'autorisation de tourner avec des enfants. A la base, je ne me posais pas la question du pays, moi j'écris en français, je suis française. Je ne sais pas si c'est impossible en général mais dans mon cas ce n'était pas faisable, ici. Je pense que c'est par rapport au côté horrifique, mais on ne m'a donné aucune précision.Ça change quoi de tourner en anglais avec un casting international ?De mon point de vue de réalisatrice, rien. C'est juste rigolo de parler une langue étrangère, voilà, c'est ludique. Mais ça ne change rien dans mon travail. Au niveau des acteurs je n'ai rien remarqué de spécial comme différences. Bon, pour les enfants, forcément ils n'ont par définition pas beaucoup de méthodologie.En plus du côté horreur et surnaturel, il y a évidemment le tabou de la pédophilie. Objectivement, ce n'est pas un peu décourageant de partir avec ce que certains verraient comme une balle dans le pied ?Ouais mais je ne le savais pas avant de le faire ! Mais c'est vrai que c'est décourageant par rapport à l'idée de recommencer. Bien sûr j'ai pris du plaisir pendant le tournage, mais c'est maintenant que je me rends compte de la difficulté que pose le film. Je ne sais pas d'où ça vient, mais c'est comme ça.Entre Dans ma peau et Dark Touch, lequel va le plus surprendre voire choquer un spectateur coincé ?Alors choquer, ce n'est clairement pas mon but, donc j'espère qu'aucun des deux ne choque. Surprendre, j'espère que les deux surprennent, parce que j'essaie de faire quelque chose qui, tout en jouant éventuellement avec des codes, des conventions, apporte quelque chose de nouveau : mon point de vue, ma sensibilité. J'espère que ça surprend de manière positive à cet égard. Mais les deux films ne sont pas comparables, je pense que les deux peuvent intéresser des personnes sans doute très différentes.Comment avez-vous dirigé Missy Keating, la jeune actrice principale ?Je l'ai dirigée avec des choses très concrètes, des images pratiques. Quand elle devait avoir peur je lui disais "imagine qu'il y a des araignées", quand je voulais qu'elle dégage du malaise je lui demandais "imagine que tu as mal à la jambe mais que tu ne veux pas le montrer aux autres", ce genre de choses. J'essayais de trouver des éléments pour nourrir sa vie intérieure. Quand elle devait être silencieuse j'essayais de lui donner des pistes pour stimuler son imagination, pour qu'elle soit un peu habitée, quand elle ne faisait rien. Parce que la plupart du temps c'est vrai qu'elle ne fait rien quand même, concrètement elle est figée, etc. Du coup j'essayais de lui donner des significations, mais toujours très concrètes. Pour les scènes où elle doit se montrer "méchante" par contre je ne la préparais pas. C'est le scénario et les effets de montage qui créent cette impression, parce que la situation est celle-là. Mais je ne la dirigeais pas pour qu'elle ait une émotion particulière. Je ne me rappelle pas trop... ah si, je lui disais : "Cruelle ! Cruelle !" (rires). Les enfants aiment bien être cruels.Première fois que vous tournez des scènes de meurtres surnaturels, qu'est-ce que ça change ?J'ai tourné ces scènes telles que je les imaginais, ça ne m'a pas posé de problème particulier. C'était une convention, ça ne change rien au niveau mise en scène. Je me demande toujours ce que j'ai envie de montrer et je suis mon instinct. Il n'y a pas de règle de mise en scène particulière, à part les codes : les meutres, la surprise, le choc. Des règles avec lesquelles ça me plaisait de jouer, mais que je n'ai pas analysées, parce qu'elles sont en moi vu que je suis baignée de cinéma. Je "savais" instinctivement comment faire.Toute la partie psychologie de l'enfant abusé est finalement très réaliste, vous avez fait des recherches sur le sujet ?Non, je me suis mise moi-même à la place d'un enfant traumatisé et j'ai jugé à partir de mes propres réactions, comment je réagirais, comment je ferais... J'ai réfléchi à ce qui me semblait logique, d'après cette situation. Comme je fais tout le temps d'ailleurs. Je ne fais pas du tout d'enquête, car mon but n'est pas de faire un film clinique. Donc je pars de moi, ma propre logique et mes réactions, mes propres émotions, en m'immergeant dans la situation que je décris. Le fait que Neve prenne tout contact physique pour une agression, ça me semblait logique.Sans spoiler, pour moi la fin du film est très sombre et sans espoir. C'était une volonté de votre part ?Ah oui. C'est un peu ce que je voulais raconter, parce qu'on nous bassine toute la journée avec la résilience et au bout d'un moment on a presque l'impression que c'est le rêve, d'être une victime. Que c'est formidable d'avoir un traumatisme, qu'on devient encore plus fort... Je trouve qu'il y a un peu ce discours là : "quelle chance, tu as été abusée !" J'exagère un peu mais bon. Alors moi je voulais montrer qu'on pouvait ne pas s'en sortir, qu'il y avait des blessures qui pouvaient nous condamner et que ça me semblait problématique qu'un enfant abusé s'en sorte d'un claquement de doigt. La résilience c'est un peu facile, c'est peut-être pas toujours comme ça que ça se passe. Donc j'avais envie de montrer un parcours où justement, ce n'était pas possible. Notamment parce que je trouve qu'il y a peu de... En fait, on a l'impression fausse que l'amour guérit tout. Du coup les gens sont très intrusifs, sauf que justement avec un enfant abusé c'est une impasse, parce qu'il n'est pas en mesure d'interpréter correctement les signes d'affection. Les contacts physiques il les vit comme des agressions, et ça m'intéressait de montrer cette impasse là.Faire l'actrice dans Dark Touch ne vous a pas tenté ?Pour jouer quel rôle ?La gentille éducatrice, ou alors un truc plus basique, genre un adulte qui meurt dans d'atroces souffrances.Non. D'abord, en fait je trouve ça trop compliqué de jouer tout en réalisant en même temps. C'est pas quelque chose que j'ai envie de refaire. Je serais ravie de jouer des choses qui me plairaient, mais pour d'autres. Jouer pour moi-même, je trouve ça trop fastidieux, c'est trop de travail.J'ai lu que si vous étiez un perso de fiction vous seriez Superman, vous avez pensé quoi du dernier, Man of steel ?Pas vu.Rhooo... Bon, quels sont vos prochains projets ?J'ai un projet d'adaptation d'un roman de Stefan Zweig, La Pitié Dangereuse. J'aime beaucoup ce roman.Quentin Dupieux m'a dit qu'il était heureux de tourner en anglais parce que ça ouvrait le film sur l'international au niveau du public. Même si ce n'était pas votre volonté de départ, vous pensez pareil ?J'ai l'impression qu'en tournant en français, ça n'empêche pas d'être diffusé à l'international non plus. Ça peut bouger facilement, je ne vois pas de grande différence. Je suis très contente si ça marche à l'étranger, je sais que là c'est sorti à l'étranger, mais je ne connais pas encore les résultats.Propos recueillis par Yérim Sar (@YerimSar)Bande-annonce de Dark Touch, qui sort aujourd'hui au cinéma :
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