DR

Alan Taylor dans les pas de James Cameron.

Apocalypse. Now. Terminator Genisys débute là ou Terminator 3 s'arrêtait, c'est à dire au moment ou enfin le film commençait à devenir bien : l'apocalypse selon St James. Le Jugement Dernier. L'incroyable scène du cauchemar de Sarah Connor dans Terminator 2, mais qui arrive en vrai. Enfin, en numérique vrai. Difficile de se mesurer au créateur de la saga, en décalquant l'une des scènes les plus magistrales qu'il a filmée. Mais comme a coutume de le raconter Cameron, le secret de la réussite d'un film est de mettre la barre tellement haut que, quand on la loupe, on est bien au dessus de la réussite des autres. On reste indulgent donc, avec cette première séquence aux effets voyants, mais heureusement lissés par la 3D. Surtout qu'habilement montées en alternance avec le générique, les images suivantes mettent en scène la prise d'assaut finale de Skynet par les humains dans le futur de 2029, la victoire ultime des hommes contre les machines.

La scène originelle

Pour tout fan de la saga qui se respecte, ces minutes sont un pied intégral. On reconnait quasiment plan par plan la scène, mythique, originellement écrite par Cameron pour le pré-générique de Terminator 2, qu'il avait à regret supprimée faute de moyens. Une scène qui existait, depuis 1991, dans l'imaginaire du public, nourri par les storyboards et le script, tel qu'ils apparaissaient dans le livre Terminator 2 : an illustrated screenplay. Un fantasme en attente de concrétisation, dont l'espérance diminuait au fil des ans. Cinq minutes dans le film, donc, où l'on réalise, quand les machines s'écroulent, que ce Terminator Genisys a littéralement repris le scénario, les storyboards, et même les dialogues originaux du pré-générique perdu de T2 et les présente en l'état, à peine réécrits. On commence alors à comprendre pourquoi James Cameron a tant aimé ce Genisys et le considère comme le vrai troisième épisode de la saga...

>>> James Cameron approuve Terminator Genisys

La première demi-heure du film, pour qui arrive sans avoir jugé à l'avance ce Terminator 5e du nom (ou 36e, si l'on compte tous les épisodes de la série Sarah Connor Chronicles), respecte, à quelques malheureux choix artistiques près, les parti-pris de la Future War de James Cameron. Le moment ultime, tant désiré par les fans, la clé de voûte élusive de la saga, est enfin là, sous nos yeux. La mythique scène ou Kyle Reese (joué désormais par Jai Courtney) est envoyé à travers la machine à voyager dans le temps, réalisée exactement selon les concepts arts de Cameron. Même si les acteurs ont changé, cette scène est enfin là, en celluloid, visible, concrète. A elle seule, elle vaudrait presque le ticket d'entrée.

Soudain, 2017

Le film nous projette ensuite, comme son héros Kyle Reese, en 1984, jouant la carte de l'univers parallèle, que les bandes-annonces nous vendent depuis des mois. Replay de la scène de l'arrivée du T-800 face aux punks, bagarre entre le vieux T-800 (Arnold Schwarzenegger, aka "Pops") face à son double tout frais, découverte de la "nouvelle"  Sarah Connor... Tout, dans ces scènes, respire le respect envers les deux premiers opus de James Cameron. Les images sont bleutées, couleur acier, avec juste une pointe de vert, comme les deux films originaux. Happés dans ce parti-pris scénaristique insensé de timeline parallèle (les Terminator n'ont jamais été les Retour Vers le Futur, même si la base scénaristique s'y prête), on se prend à croire qu'Alan Taylor a réussi sous coup et que l'on tient enfin un Terminator ersatz de ceux dirigés par Cameron. Un peu comme si Terminator 2 avait été réalisé en 1987 par Martin Campbell, comme envisagé au départ !

>>> Terminator : l'histoire secrète de la naissance d'une saga culte

Une première demi-heure qui est globalement la meilleure suite jamais donnée au 3 films de James Cameron (si l'on compte T2-3D), dominée par un Schwarzenegger impérial. Emilia Clarke serait presque convaincante en Sarah Connor et on pourrait même pardonner la faute majeure de casting (Jai Courtney, lisse, alors qu'il est pourtant au centre du récit et est censé porter le film sur ses épaules). Le rating PG-13 ne se fait même pas sentir, tant les injures et les balles fusent à tout va. L'action est sans relâche, et le plaisir de retrouver Arnold dans le rôle qui l'a rendu célèbre l'emporte sur les défauts. L'inclusion du titre des Ramones "I wanna be sedated" (originellement, le morceau qui figurait à la place de "You could be mine" des Guns & Roses dans T2) montre d’ailleurs jusqu'ou les scénaristes sont allés pour repêcher l'inspiration et la magie de la saga. Quand "Pops", le T-800, despatche enfin brutalement le T-1000, au prix de sa propre intégrité physique, on se dit que sans atteindre les sommets de Mad Max Fury Road, ce Terminator là va nous embarquer pour un rollercoaster scénaristique fun de série B de luxe, au point de se créer sa propre identité, et nous surprendre jusqu'au bout.Malheureusement, dès que les héros se téléportent en 2017 le film s'écroule. L'idée est réchauffée, empruntée au pilote de la série Sarah Connor Chronicles, à qui le film subtilise aussi le concept d'un policier, jouée ici par l'excellent J.K. Simmons, qui a découvert l'existence des machines dans le passé, et attend depuis des années de se convaincre qu'il n'est pas fou. En pilote automatique, privé de la béquille du matériel original de Cameron, Terminator Genisys devient alors une succession de scènes d'action numériques sans saveur, du téléfilm de luxe, entrecoupé d'interminables tunnels de dialogues explicatifs.Le film sent les coupes et les réécritures dans toute cette deuxième moitié, où passe à l'as la caractérisation des personnages, qui ne deviennent plus que des marionnettes à expliquer un paradoxe temporel qui semble les dépasser, là ou les deux film originaux réussissaient à nous informer avec une désarmante simplicité.

>>> L'histoire secrète de Terminator 2

Le poids de l’héritage

Pire, Genisys néglige le T-800 dans cette deuxième partie durant laquelle la star semble entrer et sortir des scènes au gré de ses disponibilités de planning de tournage, et ne traite que parcimonieusement de sa vieillesse - une idée pourtant brillante ("I am old, not obsolete"). C'est comme si, truffé de bonnes idées, le film n'arrivait pas à les agencer correctement pour les développer, à l'image de cette scène ou Sarah Connor écoute les Ramones au walkman, pendant que Pops et Reese, les deux hommes de sa vie, se prêtent à un concours d'efficacité à remplir des chargeurs, dans lequel Pops perd : le montage, maladroit, ruine la scène, n'osant jamais pousser la comédie jusque dans ses retranchements. L’alchimie entre Sarah et Kyle ne prend jamais non plus et, côté romance, circulez, il n’y a pas d’amour à voir.Mais malgré tous ces défauts, Terminator Genisys n'est pas la catastrophe annoncée. C'est même le meilleur Terminator depuis T2-3D, surpassant sans effort les deux films précédents et la série TV. Certes, il manque à la barre un vrai metteur en scène et auteur plutôt qu'un artisan efficace, mais sans personnalité comme Alan Taylor, qui n'est virtuose ni avec l'action, ni avec les personnages. On peut critiquer le parti-pris d'inscrire le film dans le moule du blockbuster moderne de super-héros numérique, mais c'est oublier que le premier film s'inscrivait lui aussi dans un autre moule commercial de l'époque, celui du film de psycho-killer, et que Terminator 2 a créé le moule blockbuster moderne ! La différence c'est que là ou Cameron, dans les films originaux, réussissait à pervertir le genre, en affirmant dès les premières secondes le concept du blockbuster d'auteur, Genisys se perd, vacillant sous le poids de l'héritage, sans une personnalité forte à la barre, et n'arrive jamais à décoller. Au prochain épisode, peut-être ? Parce-que c'est certain : il reviendra.

David Fakrikian

Terminator Genisys d'Alan Taylor avec Arnold Schwarzenegger, Emilia Clarke, Jai Courtney, Jason Clarke sort le 1er juillet dans les salles. 

A lire aussi sur Première

Que vaut Blitz, le nouveau film de Steve McQueen ? [critique]

Loin de ses œuvres conceptuelles, Steve McQueen signe son film le plus grand public : une traversée émouvante, à hauteur d’enfant, de Londres en plein blitz.