Drive, ce n’est pas seulement Ryan Gosling qui sillonne la route sur fond de musique électro (70 millions de dollars au box-office pour un budget de 15 millions), c’est aussi Mark Dacascos qui fait parler la poudre et le kung-fu (oui, avec ces petits bruitages caractéristiques des 90’s quand le poing ou le pied du héros rencontre malencontreusement la mâchoire d’un énième homme de main) accompagné de Kadeem Hardison en sidekick sympathique. A noter que John Pyper-Ferguson, présent dans le Drive de 97, est également présent dans celui de 2011. Vous ne l’avez pas remarqué ? Nous non plus.
En 2010 sortait Fighter avec Mark Wahlberg en star montante de la boxe coachée par son junky de frère (Christian Bale, métamorphosé pour le rôle). Trois ans plus tôt, un autre Fighter se présentait sur le ring (et dans les salles de cinéma). Fighter version 2007 c’est l’histoire de Aicha, jeune femme revêche de la banlieue danoise. Elle a un rêve : devenir judoka professionnelle. Les parents d’Aicha voient d’un mauvais oeil ce projet et souhaitent qu’elle intègre une école de médecine. Comme si ça ne suffisait pas, Aicha tombe amoureuse d'Emil. Il va sans dire que le Fighter de 2010 (130 millions de dollars au box-office mondial, sans compter les nombreuses nominations aux Golden Globes, BAFTA, Academy Awards…) a mis KO son homonyme danois.
En 2012 sortait Les infidèles, films à sketchs porté par Jean Dujardin et Gilles Lellouche et réunissant sept réalisateurs autour du thème de l’infidélité masculine. Les infidèles (en VO, Le infedeli), réalisé en 1953 par Mario Monicelli, voyait un industriel peu scrupuleux engager un détective pour suivre sa femme, espérant au fond de lui qu’elle le trompe afin de divorcer et pouvoir enfin épouser le mannequin dont il est fou amoureux. Si la version de 1953 a marqué quelques cinéphiles, son homonyme a mieux fonctionné dans les salles en attirant plus de 2 millions de spectateurs.
Paul Newman dans Twilight ? Si, si. Dans celui sorti en 1998 en tout cas. Seulement, le titre a été rebaptisé l’heure magique en VF, ce qui supprime toute chance de se mélanger les pinceaux. Exit les vampires et autres loups-garous pré-pubères. L’interprète de Butch Cassidy va de révélations en révélations dans ce thriller sombre et mélancolique. Susan Sarandon et Gene Hackman sont également de la partie. Le film, malgré son casting de rêve, n’aura récolté que quinze millions de dollars au box-office américain soit même pas la moitié de son budget. La saga Twilight a de son côté amassé 3,3 milliards dans le monde en cinq films.
Emma Peel et John Steed n’ont pas de super-pouvoirs mis à part leur flegme britannique et leur passion pour les gadgets high tech. Les deux agents so British luttent contre le mal dans une Angleterre qui voit se déclencher d’étranges phénomènes eschatologiques. De quoi parle-t-on ? De Chapeau melon et bottes de cuir, bien sûr ! En VO, la série s'appelle The Avengers. Oui, comme les comics Marvel. De la classe et de la jugeote ne suffisent pas toujours pour remplir les caisses : si la série est culte, seulement 23 millions de dollars ont été récoltés pour Chapeau Melon et Bottes de cuir sur grand écran avec un investissement de 60 millions. Iron Man, Thor, Captain America, Black Widow et tous les autres ont fait le plein de super-euros (et dollars) en étant la première franchise à dépasser les 10 milliards de recettes sur la planète.
Un illusionniste à la carrière déclinante déménage en Ecosse, tombe amoureux et vit des aventures extraordinaires. D’après un scénario de Jacques Tati, un long métrage d’ani… Attendez ? Quoi ? Où est Edward Norton en magicien taciturne affrontant l’inspecteur Uhl (Paul Giamati) dans le Vienne de 1900 ? Sorti en 2010, L'illusionniste est un film d’animation de Sylvain Chomet récompensé à maintes reprises mais qui n’aura séduit que 88 000 personnes en France. The Illusionist version 2006, porté par Edward Norton, aura, d’un coup de baguette magique, fait apparaître dans les caisses 88 millions de dollars. Pour une fois, c'est le premier film qui a touché le jackpot. On remarque que les deux films portent le même titre, aussi bien en VO qu'en VF.
Le volatile semble inspirer les réalisateurs puisque cinq films portent ce titre. La série commence en 1935 avec The Raven (Le corbeau en VF) : un chirurgien collectionneur d’instruments de torture (Bela Lugosi) s’éprend d’une de ses patientes. Ne pouvant rejoindre sa bien-aimée, il fomente sa vengeance aidé Edmond Bateman (Boris Karloff). En 1943, Henri-Georges Clouzot réalise le drame Le Corbeau (traduit The Raven outre-Atlantique) et mélange chantage, calomnie et avortement dans une petite ville de province. Suit en 1963 The Raven (traduit par vous savez quoi en français) dans lequel Erasmus Craven (Vincent Price), magicien dans l’Angleterre du XVème siècle, reçoit la visite d’un corbeau doué de parole qui lui révèle que sa femme, pourtant décédée, est prisonnière du sorcier Scarabus. Enfin, en mars 2012 a volé jusqu’à nos écrans The Raven (rebaptisé chez nous le Corbeau ? Ah, non : L'ombre du mal, pour une fois, les traducteurs ont pris une certaine liberté). Edgar Allan Poe (John Cusack) s’improvise détective pour résoudre des meurtres inspirés de ses oeuvres. Vous l'aurez compris, Le Corbeau (The Raven) n'est pas vraiment synonyme de gaité et de joie de vivre.
On ne présente plus The Artist de Michel Hazanavicius, hommage aux films muets des années 20. Et bien sachez qu’un autre The Artist était déjà sorti en 2009 et il n’a pas emballé Hollywood, contrairement à son homonyme en noir et blanc ! Dans le film de 2009, un jeune fan de comics, qui pense être l’incarnation du Messie, est convaincu qu’un de ses professeurs veut le détruire. Ce film low bugdet n’a vraisemblablement pas provoqué un engouement particulier puisque le réalisateur Kevin G. Bender n’a rien sorti d’autre depuis.
Comment expliquer tous ces homonymes ?
Les films qui portent le même titre, ce serait donc assez courant. Afin de mieux comprendre comment autant de films sortis entre 2010 et 2012 pouvaient être dans ce cas-là, nous avons contacté Nadia Walravens, responsable juridique à la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques). En fait, d'après le droit français, le titre d’une oeuvre cinématographique est protégé par le droit d’auteur, à condition d'être original. Lors d’un litige, l’appréciation de l’originalité d’un titre est laissée à l’appréciation des juges du fond (Tribunal de Grande Instance et si recours il y a, Cour d'Appel). C’est aux plaignants d’apporter la preuve que le titre est directement rattaché à la personnalité et au travail intellectuel de l’auteur. En somme, qu'il a été créé ex-nihilo. La subjectivité est de mise et les différentes jurisprudences n’apportent pas de règles claires et précises, si ce n’est que plus un titre est long, plus il a de chances d’être considéré comme original. Ainsi, Le père Noël est une ordure, Du rififi à Amsterdam et La cage aux folles ont été jugé originaux. C'est également le cas pour la plupart des noms de personnages (Tarzan, Astérix etc) mais pas pour les noms courants (Thelma et Louise, Laura...). Par contre, n'ont pas été jugé originaux L’Abominable homme des neiges, Jeu de massacre, Doucement les basses ou Parlez-moi d'amour qui renvoyaient à des expressions populaires appartenant au domaine public. On remarque en effet que les titres cités dans ce diaporama font référence à des mots très courants (artiste, infidèles, intouchables ou même en VO Twilight et Fighter sont des termes qu'on peut employer tous les jours). On voit aussi que les thèmes abordés dans deux films au même titre sont assez diversifiés pour que les deux films ne soient pas confondus. La concurrence déloyale est également sanctionnée. Il ne doit pas y avoir de confusion pour le spectateur entre deux titres. Le droit des marques est de plus respecté. Le titre de la série Goldorak est par exemple protégé et ne peut être utilisé par n'importe qui pour réaliser un long-métrage.
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