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Alice Seabright nous explique ce qu'il faut comprendre de son excellent drama mélancolique, à voir sur Prime Vidéo en ce moment. Entretien.

C'est un thriller psychologique passionnant et tortueux, qu'il faut découvrir en ce moment sur Prime Vidéo. La fabuleuse Erin Doherty, révélé dans The Crown (elle était la Princesse Anne) incarne Becky, une jeune anglaise paumée de Bristol, qui va s'inventer une vie et une identité, pour enquêter sur la mort de son ex-BFF. Chloe était sa meilleure amie, lorsqu'elles étaient adolescentes. Mais elles ont fini par se perdre de vue. Alors quand elle va apprendre son suicide, via les réseaux sociaux, Becky va devenir Sasha, pour s'incruster dans le cercle prisé des proches de Chloe... Un univers de faux-semblants et une envoûtante histoire d'imposture créée, écrite et réalisé par Alice Seabright. Elle nous dit tout.



Comment est nées Chloe, mais aussi Becky, alias Sasha ?
Alice Seabright : Elles viennent d'une réflexion sur ce genre de profils psychologiques. La manière dont certaines personnes peuvent utiliser le mensonge pour palier leurs propres insécurités. Qui serait capable de mentir à ce point ? Et puis il y a aussi le thème de l'obsession qui m'intéressait particulièrement, ces amitiés adolescentes qui peuvent devenir obsessionnelles, autant que les obsessions qu'on peut développer à l'âge adulte pour certaines personnes, à force de se comparer aux autres.... Notamment sur les réseaux sociaux ! C'est ce genre de personnalités qui me passionnaient.

Ce sont des filles qui sont inspirées de vos propres expériences personnelles ?
Rien de ce qui se passe dans la série ne m'est réellement arrivé. Maintenant, dans l'écriture, on se projette toujours ! Moi aussi j'ai eu des amitiés adolescentes très intenses.

On ne sait jamais exactement ce que Becky a dans la tête, elle agit comme une sociopathe et pourtant, on a envie de la soutenir de bout en bout...
Tant mieux si c'est le cas ! C'est un personnage qui dépasse les limites de ce qui est acceptable moralement. Elle fait des choses qui ne sont pas justifiables. Elle a un comportement complexe qu'on ne peut pas valider... mais en même temps, chacun peut se reconnaître dans son personnage. On a tous tendance à se comparer aux autres, à envier la vie des autres, à se dévaloriser... Il y a plein d'éléments qui font qu'on se reconnaît en Becky.  Même si elle, elle pousse le curseur très loin quand même ! Ca permet de creuser ce côte obscur qu'on a tous en nous.

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Quelles sont les motivations de Becky au départ ? Pourquoi commence-t-elle à mentir, à se faire passer pour Sasha ?
Moi je dirais qu'elle ne sait pas vraiment ce qu'elle veut au début. Elle est dans un deuil particulier, le deuil de quelqu'un qu'elle n'a pas vu depuis dix ans ! Le deuil de son amitié avec Chloé aussi. Sa mort réactive son obsession pour elle. Elle développe une curiosité très intense autour d'elle, parce qu'elle veut comprendre ce qui s'est passé. Alors elle s'arrange pour être au plus près de sa vie. En même temps, cela fait un moment qu'elle observe la vie des autres depuis l'extérieur, à travers les réseaux sociaux. Et là, elle a l'occasion de se retrouver à l'intérieur. C'est le côté plus obscur de ses motivations : elle a envie de s'échapper de sa petite vie et de rejoindre cette autre vie qu'elle envie tant...

C'est compliqué à écrire, le mensonge ? Tous ces mensonges qui s'empilent autour de Becky ?
Oui, c'est compliqué... Surtout pour elle (rires) ! Parce que Becky doit tout inventer sur le moment. Elle se retrouve dans des situations où elle ment pour accéder là où elle souhaite aller. Ce qui est intéressant, c'est de voir à quel moment son mensonge va lui revenir en pleine figure. On fait une construction vers l'avant, en imaginant le moment où ses mensonges seront découverts. Mais aussi dans l'autre sens, c'est amusant d'imaginer des situations impossibles où un mensonge précédent va l'embêter plus tard. De toute façon, ce genre d'imposture finit toujours par être démasquée, parce que c'est tout simplement impossible de tenir le mensonge sur la durée. On finit toujours par tomber. Le château de cartes finit toujours par s'écrouler. Plus les mensonges s'accumulent, plus la pression monte. Et c'est ça qui était amusant à écrire. 

En même temps, parmi tous ces personnages, aucun n'est vraiment sincère... Ils cachent tous une part d'obscurité. C'est un message que vous vouliez faire passer dans la série ?
Oui, c'est évidemment l'un des thèmes qu'on a voulu aborder. On a créé une héroïne qui ment, mais dans un environnement où, finalement, tout le monde ment... De manière moins flagrante, certes, mais tous les autres mentent également ! Elle voit très bien ces masques sociaux bidons qu'ils portent. Becky n'en finit plus de découvrir des secrets et c'est ce qui a été intéressant à travailler : la manière dont on narre les choses, l'interprétation qu'on en fait. On se demande si Becky est quelqu'un de bien, qui cherche la vérité, même à travers le mensonge, ou si c'est quelqu'un de complètement tordu, qui fait des trucs totalement inacceptables... Et ça, ça dépend du point de vue, de la perspective qu'on prend. C'est vraiment l'interprétation qu'on a d'elle. Et c'est la même chose avec Chloe. Cela permet de jouer avec le spectateur, de le perdre... Après, je ne suis pas nihiliste par rapport à tout ça non plus. Je crois quand même qu'on peut accéder à la vérité et d'ailleurs, Becky y arrive à la fin. Une vérité ambiguë, parce qu'elle n'a pas toute les réponses, mais elle accède à une certaine vérité concernant la vie de Chloe et la sienne. 

Erin Doherty porte la série de manière fantastique. Comment avez-vous travaillé le rôle avec elle ?
Elle est extraordinaire. On a eu beaucoup de chance. Je l'avais vue dans The Crown et dans d'autres petits rôles. A chaque fois qu'elle apparaît à l'écran, on a envie de la regarder, on a envie que la scène dure plus longtemps. Du coup, pour le rôle de Becky, on a très vite pensé à elle. Je me suis penchée sur elle, sur Erin, qui était la personne derrière l'actrice. Et très vite, je lui ai envoyé le scénario, on a fait un Zoom, on a parlé du personnage, et j'ai senti pendant cette conversation qu'Erin comprenait Becky ! De manière empathique et sans jugement. Erin a tout de suite su se mettre dans sa peau, elle a tout de suite su la comprendre. Dans la foulée, on a beaucoup échangé, par messages, pendant le confinement, pour construire le personnage, établir son profil psychologique et tout ça. Erin était tellement investie que quand elle est arrivée sur le tournage, tout était plus facile. On avait tellement débroussaillé le personnage en amont, que le gros du travail était déjà fait. Elle était impressionnante et c'est sûr qu'elle est la clé de la série !

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