- Fluctuat
Après J'irai au paradis car l'enfer est ici, beau film noir mésestimé, Xavier Durringer signe Chok Dee, biographie romancée d'un ex-champion du monde français de boxe thaï.
Filmer la boxe ou les arts martiaux, c'est tout un savoir-faire. Mettre en scène la trajectoire d'un athlète qui abandonne tout pour se consacrer au sport jusqu'à en faire une hygiène de vie, une philosophie, le cinéma est très souvent passé par-là. Pour le meilleur et pour le pire on se souvient inévitablement de Stallone et Rocky, De Niro et Raging Bull, Will Smith et Ali en Occident, de Gordon Liu et La 36e chambre de Shaolin ou 8 Diagram Pole Fighter pour n'en citer qu'un à Hong Kong. Le cinéma a déjà usé jusqu'à l'excès de ces dramatisations basées sur la mise en valeur de la confiance et du dépassement de soi, de l'enseignement du sport comme aptitude à sortir de sa condition précaire.Chok Dee, troisième film de Xavier Durringer (plus habitué aux planches qu'à être derrière la caméra), n'évite pas cette répétition. Basé sur les mémoires de Dida (Ryan dans le film), Chok Dee raconte la véritable histoire de ce jeune de banlieue un peu paumé mais déterminé qui, après un court séjour en prison, décide de tout plaquer pour partir en Thaïlande apprendre la boxe thaï. En à peine quelques années (de 1988 à 1991), Dida devient champion du monde. Le film, reprenant les grandes lignes de la biographie de Dida, n'est pas qu'une simple adaptation. Ne cherchant pas à s'inscrire dans une stricte approche documentaire, Durringer et son scénariste ont pris le soin de construire autour du parcours initiatique de Dida une trame narrative et fictionnelle. Ainsi Ryan (Dida) est initié à la boxe thaï lors de son séjour carcéral par Jean (Bernard Giraudeau), un ancien boxeur ayant vécu en Thaïlande où il a laissé femme et enfant après être emprisonné. Voyant dans ce jeune un alter-ego possible le renvoyant à la splendeur de son passé, Jean pousse Ryan à partir s'entraîner en Thaïlande, tout en lui remettant un carnet, ses mémoires, qu'il lui charge de remettre à sa fille.Cette transmission du savoir représente l'un des innombrables poncifs du genre. Mais cantonner Chok Dee aux nombreux clichés qu'il accumule serait trop vite oublier ses qualités. Si Xavier Durringer hésite trop, s'égarant durant la seconde partie vers un autre film proche des moins bons Van Damme, (l'histoire bâclée de Jean, son passé et sa relation à sa fille, un obscur conflit mafieux mal développé, une romance niaise et tarte), reste malgré tout une première partie assez convaincante et atypique dans le cinéma français. En suivant Dida pas à pas lors de son arrivée en Thaïlande, Durringer démontre une belle générosité en rendant ce corps immédiatement attachant, alors qu'a priori rien, ou presque, nous invite à s'intéresser à lui. Il sait donner à l'homme toute sa splendeur, sa puissance et sa détermination. Quelques scènes, par la justesse de leur évocation, telles que l'arrivée au camp d'entraînement et les premiers apprentissages de Ryan, son amitié avec Coffee, montre combien le souci de réalisme du film sait aussi ne pas se soumettre aux contraintes du genre. A partir de cet émiettement de détails, d'instants, et surtout de silences et regards, Durringer capte la force intérieure dont se nourrit son acteur. Sans presque jamais céder à l'exotisme ou au tourisme, il arrive à orienter la vision du spectateur vers l'environnement, les gestes, les postures de la boxe en même temps que vers son personnage.Pourtant, si Durringer capte avec subtilité le trajet intérieur de Dida, Chok Dee devient tout de suite moins précis lorsqu'il s'agit de filmer le mouvement des corps. Découpage peu inventif, ralentis dispendieux, mixage son pornographique... le film n'arrive pas à trouver sa marque, ne propose aucune véritable mise en scène de la boxe thaï qui puisse restituer sa violence ou sa singularité. Xavier Durringer n'a pas de réel sens de l'espace, il manque d'une appréhension des corps dans l'action et ne sait pas saisir la profonde signification du geste. Rien de la vitesse ou de la force brute ne transparaît. Finalement très inégal, mais basé sur un pari plus audacieux qu'il n'y paraît (le film maintient une certaine ampleur sortant le cinéma français de ses contrées ronronnantes), Chok Dee est un film attachant autant par ses qualités que par ses faiblesses, une oeuvre qu'on aurait envie de défendre (malgré la fin catastrophique) jusque dans un combat désespéré.Chok Dee
Un film de Xavier Durringer
France, 2004
Durée : 1h45
Avec : Dida, Bernard Giraudeau, Florence Vanida Faivre...
Sortie nationale : 16/02/05[Illustration : Chok Dee. Photo © Rezo Films]
Chok dee