Elle entend pas la moto

C’est vers 2000 que Dominique Fischbach qui travaillait pour Striptease a fait la connaissance de Manon, alors âgée de 11 ans. Elle cherchait une famille pour parler du handicap du point de vue d’une fratrie et va donc filmer celle de Manon dont des deux des trois enfants sont sourds. La réalisatrice a pour Manon un coup de foudre et viendra dès lors à intervalles réguliers la filmer entourée des siens, donnant naissance sur le petit écran à Petite sœur (2003), Grande sœur (2010) et Manon maman (2022). Avant de leur proposer de poursuivre ce travail au long cours avec un long métrage pour le cinéma en partant d’un moment de réunion familiale qui allait permettre de raconter leur histoire sur 25 ans en utilisant leurs archives et le matériel qu’elle avait elle- même engrangé depuis 25 ans. Le résultat se révèle une merveille de sensibilité. Précisément parce sa proximité avec eux lui permet de ne rien laisser sous le tapis et de raconter aussi bien les liens puissants qui les unissent et la manière dont Manon a su trouver sa place dans un monde d’entendants que Maxime, le frère qui, malgré l’amour qui l’entourait, s’est donné la mort ou, en creux, Barbara, la grande sœur, entendante, dont on ne cesse d’attendre l’arrivée et dont l’absence dit tout. Dominique Fischbach est toujours à bonne distance de ceux qu’elles filment et des images du passé sa disposition. Elle sait poser les bonnes questions au bon moment comme se taire pour laisser la place à des silences éloquents. Et ne confond jamais curiosité et intrusion. Un tour de force.