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Parce que sa mère est hospitalisée après avoir avalé des calmants, une gamine de treize ans débarque chez sa tata cintrée (dans tous les sens du terme). Là, un vieux patriarche croulant flirte avec l’idée de suicide pendant que sa fille essaie de tenir la barre d’une famille très bourgeoise. Oui : Happy End ressemble à un concentré de la filmo tordue d’Haneke. Les tonalités et les constructions théoriques de Caché dans une suite directe d’Amour ; ses thèmes fétiches concassés dans un gigantesque jeu de massacre - les familles dysfonctionnelles, les rivalités intergénérationnelles, le retour du refoulé… jusqu’au titre ironique qui rappelle Funny Games.
Le grain Trintignant
Mais, bizarrement, il y a vraiment de l’humour dans ce dernier film. Haneke signe une farce becketienne (il y a des références à Cap au pire ou Oh les beaux jours), comme pour dire que, cette fois-ci, rien n’était sérieux. Il y a aussi des moments de cinéma très impressionnants où l’Autrichien met son art de la mise en scène géométrique et glaçante au service de sa fable destroy. La vérité, c’est qu’on ne voit rien de tout ça. Parce qu’il n’y a que Trintignant. Dès qu’il apparaît, avec son phrasé inouï, son timbre chaud et distant, sa science instinctive du jeu et du tempo de la scène, avec cette volonté de hurler la méchanceté du monde à la gueule de l’humanité toute entière, il bouffe le film, la pellicule. Intrigant de bout en bout, passant de la joie au malaise, de la lumière à l’obscurité avec sa légèreté de dandy légendaire, il est l’arme fatale de ce film étrange. C’est dans son rapport avec la gamine (génialement incarnée par Fantine Harduin) que réside l’étrange beauté méphistophélique de ce Happy End.