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Pour retranscrire le tabou culpabilisant et cauchemardesque que représente le viol dans la société tunisienne, La Belle et la Meute avait besoin d’une mise en scène radicale. Elle tient d’abord à une déstabilisante ellipse : après une séquence de fête étudiante, la jeune Mariam est en montrée en train de courir dans la rue, en larmes et pétrifiée d’angoisse. Une coupure soudaine dans le récit qui laisse un vif sentiment de désorientation ; s’il n’a rien vu du viol subi par Mariam, le spectateur se trouve ainsi projeté dans la peau de la victime traumatisée, qui passera la nuit à essayer de prouver les faits auprès d’une administration policière d’abord indifférente, puis menaçante. À travers d’intenses plans-séquences qui exposent en temps réel le combat nocturne de son héroïne (contre la honte qu’on cherche à lui imposer, contre la violence faite aux femmes, contre un système corrompu), Kaouther Ben Hania démontre avec force que l’horreur d’un viol réside aussi dans l’humiliation qui suit, lorsque la proie prend conscience de son tragique isolement. Mais c’est précisément au bout de l’aliénation la plus épuisante que surgit parfois une précieuse lueur d’espoir. Derrière le pamphlet rageur contre les autorités tunisiennes, La Belle et la Meute dresse également le portrait universel d’une jeunesse qui, face à l’injustice, ne peut trouver son salut qu’en comptant sur elle-même. Inspiré d’une histoire vraie, ce coup de force cinématographique en devient autant glaçant que porteur d’espoir.