- Fluctuat
L'intrigue est ténue : un groupe de citadins, dont nous ne connaîtrons jamais les principales fonctions, se rend dans un village du Kurdistan. L'un d'eux, un ingénieur, essaie de mener à bien une mission qui le pousse à errer parmi les habitants de ce village, à la recherche d'on ne sait quoi.
« Le cinéma est une fenêtre qui donne sur nos rêves grâce auxquels nous arrivons à mieux nous connaître ». Telle est la devise de Le vent nous emportera. Construite comme une énigme, la narration ne perd jamais de vue le principal intéressé, le spectateur. Kiarostami dépose quelques indices, quelques touches personnelles qui fournissent à toutes ces historiettes un léger charme et une profonde richesse picturale. Le Vent nous emportera, un film-concept, dégage une atmosphère de solitude perpétuelle. Le spectateur qui plonge dans l'univers kiarostamien se trouve seul, seul à résoudre cet aura de mystère qui plane sur les films du cinéaste iranien. Au travers des oliviers (1994) nous livrait déjà un aperçu de ce cinéma. Faut-il enregistrer platement la réalité, ou la rêver ?« Abbas Kiarostami est un de ces metteurs en scène qui, tout en restant un fidèle révélateur de son propre cadre culturel - l'Iran dans ce cas -, explore et pousse les traits de son peuple jusqu'au point où ceux-ci se dissolvent dans une conscience universelle ».Le mot conscience est peut-être trop sage pour regrouper ces quelques thèmes (la mort, la vie, l'amour, la solidarité, l'enfance...) jamais épuisés, vers lesquels convergent tous les êtres, toutes les cultures ; mais ce mot représente, néanmoins, l'accès le plus direct qui soit à la pluralité humaine.Documentaire et fiction sont ainsi conjugués, invitant le spectateur dans une quête à travers le village. Bien sûr, s'ouvrir un chemin entre les ruines de la fiction se prête à de fortes métaphores ; cependant, il ne faut pas aller si loin pour tirer profit de ce film, car les récits les plus touchants sont ceux que le metteur en scène puise dans son parcours. L'alter ego de Kiarostami (joué par Behzad Dourani), est sans cesse en mouvement, comme si le destin de l'Homme était de se déplacer d'un pôle à un autre. Faut-il comprendre que l'art (et en particulier le cinéma) doit toujours privilégier l'originalité, comme cette pomme qui roule sur un sol infini, sans jamais trouver d'équilibre...Dans un déploiement esthétique qui figure à merveille celui du paysage iranien, dépouillé, rustique, le film s'écoule en épisodes frappants. Les sentiments de perte et de douleur sont suavement remplacés par les forces de la vie... qui doit continuer. Chaque personne croisée donne une partie de son identité au film, tisse le film. Et l'on apprend, comme a dû l'apprendre l'ingénieur, que pour mieux comprendre, il vaut mieux écouter.Le vent nous emportera
De Abbas Kiarostami
Avec Behzad Douarni
Iran / France, 1999, 1h55
- Lire la chronique de 10 on ten (2002).
- Lire la chronique de Le vent nous emportera (1999).
- Lire l'article sur l'exposition-projection La récréation au festival des trois continent (Nantes, novembre 2004).
- Propos choisis d'Abbas Kiarostami recueillis lors du Festival des 3 continents (novembre 2004).