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Pour parler de soi, il faut parfois partir loin. Tel est le mantra de David Teboul (Une vie ailleurs) dans ce documentaire où il fend l’armure, sans faire du spectateur un voyeur. Teboul a aimé follement un homme, Frédéric Luzy, producteur de documentaires, mort le 16 décembre 2007, peu après leur rupture. Une disparation qui n’a depuis jamais censé de le hanter, rongé par la culpabilité de ne pas avoir su le sauver. Le point de départ de ce documentaire et d’un voyage – au sens propre comme figuré – pour tenter de faire un deuil a priori impossible comme on le comprend dès l’ouverture de Mon amour où on découvre le dernier SMS envoyé par Luzy juste avant sa disparition, exposant le mal- être qui le dévorait. A l’écran, Teboul va dès lors déployer son récit dans un double geste. D’un côté, il remonte le fil de cette histoire d’amour tumultueuse par des images qu’il accompagne de sa voix pleine d’imperfections, en bafouillant, donnant à cette logorrhée une vérité qu’on ressent physiquement, tout ce qu’un discours plus articulé aurait été incapable d’exprimer. De l’autre, un voyage en Sibérie où de village en village, il recueille les confidences de leurs habitants sur la manière dont ils vivent leurs histoires d’amour souvent au long cours, dans ces lieux si rudes et spartiates. Par ce double mouvement en apparence artificiel, Teboul crée une oeuvre d’une fluidité renversante, où on prend plaisir à s’abandonner. Il fait de son histoire intime un récit universel sur la passion amoureuse et la difficulté de s’en relever quand le mot fin apparaît. L’autofiction à son meilleur.