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En 2016, Jean-Christophe Meurisse imposait son univers absurde et hilarant avec Apnée, film à sketches en roue libre qui dézinguait le monde moderne. Le réalisateur et fondateur de la troupe des Chiens de Navarre trace son sillon avec le non moins dingo Oranges sanguines, articulé autour de trois histoires a priori déconnectées : un couple de retraités surendettés tente de remporter un concours de rock ; une ado veut avoir sa première expérience sexuelle et tombe sur un psychopathe ; un ministre empêtré dans une affaire de fraude fiscale. Résultat : un ovni fulgurant qui oscille entre comédie grinçante à mourir de rire (incroyables dialogues), film de torture (deux scènes ont longuement fait parler lors de la projection cannoise) et récit social. Un objet vraiment punk, vraiment réjouissant, vraiment anarchique, mais qui n'oublie jamais de traiter ses sujets - le déracinement des élites, la lutte des classes et l’ineptie de nos sociétés - en bruit de fond, même quand il se permet de changer de genre comme on change de slip. Le risque, c’est évidemment de noyer le spectateur sous un déluge de malaise et de chaos, ce que Meurisse n’évite pas tout à fait, le miroir déformant flirtant parfois dangereusement avec le grotesque. Mais une fois toutes ses grenades soigneusement dégoupillées, il émeut quand on s’y attend le moins avec un plan final qui semblerait presque sorti d’un autre film. Tout ça n’était qu’une farce noire, d’accord, mais au bout du tunnel, il y avait tout de même de la lumière.