Cannes 2015 : la sélection était presque parfaite…
L'Oncle Sam est-il boudé ?
Cette année, coup de théâtre : les films américains ne seront qu'une poignée à courir après la palme. Mad Max, Vice Versa, Le Petit Prince (le film est Français mais le réalisateur Américain) et <em>Irrational Man</em> seront présentés hors-compétition. Seuls Sea of trees de <strong>Gus Van Sant</strong>, Grace de <strong>Tod Haynes</strong> et Sicario du Canadien <strong>Denis Villeneuve</strong> ont été invités à concourir pour la bannière étoilée. Une sous-représentation étonnante de la part d'un festival qui a donné une vingtaine de palmes au cinéma américain.Encore une fois, la réponse de <strong>Thierry Frémaux</strong> est sans appel : "Je peux vous faire la liste des cinéastes américains qui sont au travail, c?est impressionnant. <strong>Sean Penn</strong>, dont j?attendais le film avec impatience, m?a prévenu en janvier qu?il ne serait pas prêt car il lui reste <strong>Encore</strong> quelques jours de tournage ce printemps. <strong>Tarantino</strong>, <strong>Iñarritu</strong>, <strong>Payne</strong>, bien sûr, <strong>Scorsese</strong> et bien d?autres sont en tournage." Et quid des jeunes alors ? <em>"Les jeunes cinéastes américains ont comme habitude d?aller à Sundance et je suis toujours réticent à en sélectionner, car il nous faut avoir des avant-premières mondiales et donner leur chance aux cinéastes de pays moins choyés que les Etats-Unis."</em>
Pas assez de grands réalisateurs attendus en compétition ?
Tandis qu'<strong>Edouard Waintrop</strong>, le délégué général de la <strong>Quinzaine des réalisateurs</strong>, trouve <em>"incompréhensible"</em> que le film d?<strong><strong>Arnaud Desplechin</strong></strong> ne soit pas <em>"ailleurs qu'à la quinzaine"</em>, <strong>Les Inrocks</strong> crient au scandale : "De grands cinéastes pas retenus ? C?est le moins qu?on puisse dire. La plus grande sidération à l?annonce de ces 44 films dans les différentes sections de la Sélection officielle tient à l?absence d?<strong>Arnaud Desplechin</strong> (dont six précédents longs-métrages étaient en Compétition), de l?ex-palmé <strong>Apichatpong Weerasethakul</strong> (Oncle Boonmee en 2010), du nouveau film très attendu du réalisateur de Tabou, <strong>Miguel Gomes</strong> (sa durée monstre de six heures lui aurait-elle nui ?) ou encore de <strong>Jeff Nichols</strong> (Midnight Special avec rien moins qu?<strong>Adam Driver</strong> et <strong>Kirsten Dunst</strong>)."<strong>Thierry Frémaux</strong>, lui, réfute l'idée d'une guerre contre les grands habitués du festival. Il assure que <strong>Woody Allen</strong> ne voulait pas participer à la compétition et que le film de <strong>Jeff Nichols</strong> n'était tout simplement pas prêt. Une bonne occasion pour laisser une chance à de plus jeunes réalisateurs : <em>"On ne peut nous reprocher de prendre toujours les mêmes et dans le même temps s?étonner qu?on renouvelle."</em> Affirme-t-il en revenant sur le "cas <strong>Desplechin</strong>" : "Le film est resté dans nos listes jusqu'au bout mais peu à peu s'est dessinée l'idée d'un fort renouvellement en compétition. Arnaud est venu pour quasiment tous ses films à Cannes ! <strong>Arnaud Desplechin</strong> l?a parfaitement compris, et admis. Il s?est admirablement comporté, et ceux qui s?offusquent qu'il ne soit pas en Sélection officielle ne respectent pas la Quinzaine, ne respectent pas son film et ne le respectent pas lui. Il faut être heureux que le film soit à Cannes, et ça va très bien se passer."
Trop de films français ?
C'est peut-être la surreprésentation des films hexagonaux dans cette sélection qui a, la première, ouvert le cahier de doléances. <em>"Jamais au grand jamais le nombre de film français n?avait été aussi élevé"</em> s'étonne <strong>Jean-Michel Frodon</strong> dans <strong>Slate</strong>, <em>"De manière particulièrement visible, la compétition officielle présente, en plus de son film d?ouverture, pas moins de 5 films français sur 19 titres en lice, soit quasiment le tiers de programme."</em> Sans compter les films d'ouverture et de clôture, Français, eux aussi. <strong>Libé</strong>, agacé évoque même : <em>"Un contingent national qui fleure plutôt les millions d?entrées et le prime time de France 2 que la radicalité d?auteur kamikaze"</em> Au total, sur environ 80 films présentés sur la Croisette (or ACID), une vingtaine seront français (sans compter la participation de l'industrie française dans les productions étrangères).Un gros chiffre, certes, mais qu'on aurait tort d'attribuer à du chauvinisme : exceptionnelle qualité de la production locale d'un côté, manque de coup de c?urs vis-à-vis des films étrangers de l'autre, <strong>Thierry Frémaux</strong>, délégué général du Festival de Cannes, défend ce choix corps et âme dans <strong>Télérama </strong>: <em>"La France, comme l?Italie, fournit beaucoup. Ça tombe bien? Lorsque les grands auteurs internationaux ne sont pas présents, il est plus difficile de trouver vingt films pour composer la compétition du plus grand festival du monde. La vraie question, c?est la perte d?influence de l?Europe de l?Est, d?une partie de l?Amérique latine et la manière dont Hollywood a du mal à sanctuariser un cinéma d?auteur fondamental d?un point de vue artistique mais moins performant financièrement."</em>Pour<strong> Jean-Michel Frodon</strong>, c'est aussi <em>"le symptôme d?une trop grande proximité des sélectionneurs avec l?industrie française du cinéma, industrie qui déploie toute sa puissance d?influence pour que ses produits soient sélectionnés, ce qui est tout à fait naturel."</em> La diplomatie avisée de <strong>Thierry Frémaux</strong> ne permettra pas de fournir une réponse claire.
Cannes 2015 : La sélection était presque parfaite…
Les jurés à la barre !
Les mauvaise esprits s'inquiètent déjà de l'incorruptibilité de <strong>Xavier Dolan</strong>, dans le jury cette année alors que les acteurs de son prochains film <strong>Marion Cotillard</strong> et <strong>Vincent Cassel</strong>, seront en compétition, respectivement dans Macbeth et <em>The Tale of Tales</em>. Mais il a tenu à rassurer les <strong>médias québécois</strong> en déclarant <em>"J'ai envie de juger les films avec mon c?ur, sans a priori, sans préjugés, sans parti pris"</em>, Celui de <strong>Denis Villeneuve</strong>, son compatriote, n'échappera pas à la règle : <em>"Parce que j'aime Denis [Villeneuve] comme j'aime un ami ou quelqu'un d'autre, je serais tout à fait incapable de mentir par rapport à son ?uvre. Si je n'aime pas son film, je n'aime pas son film"</em>. Mais le talentueux réalisateur pourra-t'il garder la tête froide, aux côtés de <strong>Jake Gyllenhaal</strong>, son idole de jeunesse qui l'a tant inspiré, sur les bancs des jurys ?Ce dernier qui partage, lui, une relation de travail de longue date avec <strong>Denis Villeneuve</strong> (<em>Prisoners</em>, <em>Enemy</em>), devra lui-aussi, résister à la tentation du copinage. Quant aux frères Coen, les présidents du jury, espérons qu'ils ne brûleront pas les ailes de leur impartialité sous les lumières de <strong>Roger Deakins</strong>, leur chef op préféré qu'ils partagent eux-aussi avec?<strong>Denis Villeneuve</strong> (il a éclairé <em>Sicario</em> et <em>Prisoners</em>). En choisissant autant d'amis dans les jurés, les sélectionneurs cannois ont mis le réalisateur canadien dans une position de force, mais aussi de faiblesse si certains s'apprêtent déjà à crier au conflit d'intérêt. Les dés sont jetés !
Misère sous les tropiques !
Si l'on ne prend pas en compte le cinéma asiatique, bienvenu sur le tapis rouge depuis plusieurs décennies, les entrées pourraient sembler limitées, cette année, pour les cinéastes nés au-dessous de l'équateur (un seul film sud-américain sera en compétition : Chronic de <strong>Michel Franco</strong>). Une absence qui inquiète sérieusement <strong>Jean-Michel Frodon</strong> : <em>"Dans ce contexte favorable, il est d?autant plus regrettable que Cannes ne joue pas davantage le rôle d?une scène mettant en lumière l?ensemble de la production mondiale: l?Afrique, le monde arabe, l?Amérique latine apparaissent cette année comme terriblement sous-représentés."</em> Deux films indiens ont cependant été sélectionnés pour Un Certain Regard, <strong>Ghaywan Neeraj</strong> avec <em>Masaan</em> et <strong>Gurvinder Singh</strong> avec <em>Chauti Koo</em>t. C'est finalement plus que les années précédentes. Du côté du cinéma africain, <em>Oka</em> de <strong>Souleymanne Cisse</strong> (<em>Yeelen</em>) sera diffusé en séance spéciale tandisque <em>Lamb</em>, le premier film de <strong>Yared Zeleke </strong>sera en compétition pour<strong> </strong>Un Certain regard.Certains diront que c'est un très faible témoignage du dynamisme du cinéma indien (<strong>2000 films produits et 2697 millions d'entrées en 2013 </strong>!) ou encore du fameux <em>Nollywood</em> nigérien (<strong>1000 films produits l'année dernière</strong>), mais Cannes se refuse à établir des quotas, ce n'est pas son rôle. <strong>Thierry Frémaux</strong> insiste sur ce point : <em>"les chefs-d??uvres ne courent pas les rues. Cela dit, si tous les pays du monde avaient la même vitalité que la France, la Corée ou le Mexique, il faudrait cinq Festivals de Cannes par an !".</em>
La loi du marché ?
La nouvelle est tombée ce week-end : en plus du film d'ouverture, le film de clôture du festival de Cannes sera lui aussi Français. Une annonce qui ne plaira sans doute pas à <strong>Jean-Michel Frodon.</strong> Il s'agira du documentaire écolo <em>La Glace et le ciel</em> de <strong>Luc Jacquet</strong> (par ailleurs réalisateur de <em>La Marche de l'empereur</em>). Problème: il est coproduit par <strong>Kering </strong>un sponsor du festival, ce que ne manque pas de remarquer <strong>Adrien Gombeaud</strong>, journaliste pour <strong>Positif</strong> et <strong>Vanity Fair</strong>. Ce dernier a profité d'un tweet pour attirer l'intention sur cette <em>"coïncidence inédite"</em> qui <em>"mériterait éclaircissement"</em>. Et donc le film de clôture du Festival de Cannes est coproduit par un sponsor officiel du Festival de Cannes.— Adrien Gombeaud (@AdrienGombeaud) 30 Avril 2015L'insinuation n'a évidemment pas manqué d'agacer <strong>Thiery Frémaux</strong> (<strong>toute l'apostrophe est ici</strong>) qui du froisser son bouquet de muguet pour se défendre sur la toile :@AdrienGombeaud J'ignorais. Mais c'est quoi l'allusion? Ce "donc"? En même temps, on voit bien mais ça m'intéresse de vous lire.— THIERRY FREMAUX (@THIERRYFREMAUX) 1 Mai 2015De nouveau, le Festival de Cannes va devoir défendre bec et ongles le moindre de ses choix artistiques pour prouver qu'il n'est pas la vitrine clinquante de ses partenaires prestigieux. Rappelons que Renault, Orange, L'Oréal, Chopard, Kering (et bien d'autres) permettent de financer, en avantage ou en nature, la moitié (<strong>soit environ 10 millions d'euros</strong>) du budget du festival. Mais au delà de la polémique, notons que la présence de ce documentaire sur la fonte des glaces confirme la volonté de <strong>Thierry Frémaux</strong> d'élaborer une sélection officielle "Louder Than Bombs", particulièrement ancrée dans les enjeux problématiques de la société actuelle (La crise avec <em>La loi du marché</em>, l'intégration avec <em>Deephan, </em>l'éducation avec <em>La Tête Haute...</em>).
A peine dévoilée, la sélection officielle du 68e festival de Cannes est déjà critiquée... à juste titre ? Avant-même d'avoir vu les films de la Croisette pour vérifier les choix des grands manitous cannois, l'excitation médiatique ne s'est pas privée de pratiquer l'autre grande exception culturelle française : la grogne. Si bien qu'à tort ou à raison, des voix se sont élevées, comme chaque année, pour pointer du doigt les moindres maladresses de la programmation du "Plus Grand Festival du Monde". L'occasion de faire le point sur les critiques, les rumeurs et les réponses qui ont pu circuler sur la toile.>>> Cannes 2015 : le guide de tous les films en compétition
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