Un documentaire qui suit deux frères jumeaux à travers un drame familial, à la fois dérangeant et fascinant.
Voudriez-vous vous souvenir de tout, sans exception, après être devenu amnésique ? C’est le questionnement principal du documentaire Netflix Dis-moi qui je suis (Tell me who I am), d'Ed Perkins. La réponse peut paraître évidente, mais elle est en réalité beaucoup plus complexe. En 1982, Alex Lewis a 18 ans lorsqu’il se retrouve impliqué dans un grave accident de moto, à la suite duquel il perd la mémoire. À son réveil, la seule personne qu'il reconnaît est son frère jumeau Marcus. Quant aux autres - sa mère, son père, sa copine, ses amis… aucun visage ne lui revient. Alex doit tout réapprendre sans exception. C’est une tragédie, mais Marcus voit dans cette amnésie le signe de nouveau départ. Il décide de reconstruire la vie de son frère, qui lui fait aveuglément confiance, mais en quelque sorte à sa façon.
Autour de la trentaine, un évènement marquant survient dans la vie des jumeaux. La mort des parents implique de vider leur maison familiale, et Alex tombe sur des indices qui lui font comprendre que tout n’a pas toujours été idyllique dans sa vie. Il est nécessaire de s’arrêter ici pour ne pas trop en dévoiler, mais ce tournant dans leur vie est la preuve que les secrets de famille finissent toujours par ressortir/éclater, d’une manière ou d’une autre.
Si ce documentaire est aussi dérangeant, c’est parce qu’il pose la question de savoir ce que dit notre mémoire à propos de notre personnalité, de nos actions. Plusieurs types de mémoires entrent en jeu : la mémoire collective (ici la mémoire familiale dont tout le monde a fait abstraction) et la mémoire individuelle (au départ, elle est comme partagée par les deux frères, puis totalement propre à Marcus après l’accident de son frère). La perte de mémoire d’Alex interroge quant au bénéfice de cette absence totale de souvenirs et pose la question de savoir si, sans souvenirs douloureux, on est plus heureux. Les traumatismes sont étrangers/absents parce que Marcus a omis de les rappeler à son frère, mais ils ne sont pas inexistants pour autant.
La seule réserve que l'on pourrait émettre concerne la mise en scène, donc le côté artificiel de ce récit et l'aspect surjoué, sûrement destinés à dramatiser le documentaire - qui, bien que très intéressant et émouvant, est malgré tout assez pesant. Outre cela, à aucun moment les sentiments et traumatismes des deux frères sont remis en question. On en ressort un peu perturbés, avec beaucoup de questions en tête.
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