Juste la fin du monde
Diaphana Distribution

Aride mais terriblement bouleversant, le sixième film du réalisateur canadien est une évidence.

En 2016, Xavier Dolan avait divisé les critiques cannoises avec son drame familial Juste la fin du monde. Quelques mois plus tard, lors de sa sortie dans les salles françaises, notre journaliste François léger prenait une claque. Ce sera peut-être aussi votre cas dimanche soir, lors de sa première diffusion en clair sur France 2 ?

Juste la fin du monde divisera aussi sûrement que la personnalité de son réalisateur. La rédaction de Première elle-même était sortie divisée de la projection cannoise, le film pouvant paraître "étouffant et ennuyeux" à certains. Compréhensible : jamais inquiet de se rendre aimable, le sixième long-métrage de Xavier Dolan met en scène la mort du dialogue familial en huis clos, avec une aridité presque hermétique, si l’on n’accepte pas de se laisser emporter par ce tremblement de terre savamment organisé.

L’émotion plus forte que jamais

Après douze ans d’absence, Louis, écrivain à succès, vient annoncer à ses proches son décès imminent. Mais les rancœurs venues du passé vont rendre ces retrouvailles impossibles. Une adaptation de la pièce de Jean-Luc Lagarce qui nous met à table durant une heure trente avec des gens qui ne savent plus se parler, s’invectivent, se coupent la parole en permanence. Des personnages sauvés du grotesque par les interprétations fabuleuses d’un casting cinq étoiles et un principe de mise en scène - le théâtre en gros plan - à l’opposé de l’exercice de style. On retrouve ici le fondement de l’œuvre de Dolan, qui consiste à faire d’une contrainte cinématographique l’objet même de son film, avant la déflagration.

Xavier Dolan en cinq décrochages musicaux, de J’ai tué ma mère à Juste la fin du monde

Un aboutissement

Dans ces yeux capturés au plus près, l’émotion naît, d’une pureté déstabilisante. Cachée dans les silences et les regards échangés entre Louis (Gaspard Ulliel), mort en sursis fantomatique, et sa belle-sœur Catherine (l’exceptionnelle Marion Cotillard), seule à avoir instinctivement compris la sinistre raison de sa venue. 

Juste la fin du monde, c’est l’évidence d’un réalisateur au paroxysme de son art, comme si tout ce qui a précédé n’avait servi qu’à en arriver là. La fin d’un cycle pour le cinéaste, et l’aboutissement de son obsession pour le foyer dysfonctionnel et l’amour-haine. Canalisé par le non-dit, enfin mis à nu, le cinéma de Xavier Dolan n’a jamais été aussi beau.

François Léger

 

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