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Alex Pina, le créateur de la série espagnole devenue phénomène mondial a répondu aux questions de Première, en marge du festival Séries Mania.

De l'aveu même de Ted Sarandos, le numéro 2 de Netflix, La Casa de Papel est aujourd'hui la série en langue non-anglaise la plus regardée dans le monde, sur la plateforme. C'est dire si la série espagnole est aujourd'hui un hit international. A tel point que Netflix a décidé de poursuivre l'aventure, en commandant elle-même un saison 3. Le créateur, Alex Pina, nous en dit plus sur cette suite pas vraiment prévue au départ (attention spoilers).

Vous avez été invité par Séries Mania dans le cadre du forum européen des projets. Vous connaissiez le festival avant de venir cette année, à Lille ?
Alex Pina :
Oui, bien sûr, j'en avais entendu parlé. Je savais que c'était un festival important pour les séries. Mais c'est la première fois que je viens.

Vous venez en tant que créateur de La Casa de Papel, qui cartonne partout dans le monde. Vous vous attendiez à un tel succès planétaire, quand la série a été lancée sur Antenna 3 ?
Non, bien évidemment. Quand on a lancé en Espagne La Casa de Papel, il n'y a même pas eu de promo. Et puis c'est arrivé sur Netflix, et en deux ou trois semaines, c'est devenu un énorme succès... C'était impossible à imaginer.

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Vous l'expliquez comment, ce succès populaire, aux quatre coins du monde ?
Je crois qu'il y a plusieurs causes. D'abord, il y a un côté très masculin, très virile, avec ce braquage. Mais il y a aussi quelque chose de féminin, beaucoup d'émotion, qui passe essentiellement à travers le personnage de Tokyo. Et puis la série est aussi très addictive, parce que le rythme est très soutenu, et il y a beaucoup de rebondissements, de twists.

Justement, comment vous avez fait pour mettre en place cette intrigue tellement millimétrée, cette mécanique des twists si bien huilée ?
Je travaille avec trois grands tableaux, sur lesquels j'ai mis tous les personnages, toute l'histoire, pour pouvoir reprendre le fil de tout ce qui s'est passé, utiliser des choses qui se sont passées dans un épisode et les remettre dans un autre. Il y a beaucoup de choses et c'est un jeu d'adresse en fait, pour réussir à tout construire sans que ça s'écroule.

Vous vous êtes inspiré de films de gangsters, de braquage, pour écrire cette série ?
Oui, il y a deux œuvres principalement qui m'ont inspiré : c'est l'univers de Tarantino, cette émotion et cette tendresse qui se dégagent de ses films. Il y a une violence romantique dans son travail qui m'inspire. Et aussi Breaking Bad, avec l’ambivalence morale du personnage central et de la série en générale, dans laquelle on ne distingue finalement jamais vraiment le bien du mal.

Lorsque vous avez écrit cette histoire, il n'y avait que deux parties. Mais il y aura donc une suite. Comment Netflix vous a convaincu de reprendre l'histoire du Professeur ?
Netflix nous a simplement appelé et nous a demandé si on voulait faire une troisième saison. Mais il fallait une bonne raison, parce que nos héros sont partis vivre dans différents Paradis aux quatre coins du monde, avec de l'argent plein les poches. Alors il nous fallait d'abord une raison émotionnelle pour réunir à nouveau tout le groupe. Une raison plus symbolique que la quête de l'argent.

Ce sera donc ça la base de la saison 3, quelque chose de plus symbolique ?
Oui... Mais je ne peux pas trop en dire, si ce n'est que ce sera une histoire très naturelle, qui découlera des premières saisons, et qui gardera le même ADN. Et il y aura un autre braquage ! Mais ce sera pour des raisons plus symboliques...

Vous en êtes où dans l'écriture des nouveaux épisodes ? Le tournage est prévu ?
Nous sommes en train d'écrire en ce moment, et le tournage est prévu pour l'automne.

Vous construisez cette saison 3 toujours sur le format espagnol, c'est à dire à base d'épisodes de 60 minutes, ou vous vous êtes adapté au format Netflix, qui avait déjà redécoupé les deux premières saisons de La Casa de Papel en épisodes de 40 minutes ?
En format Netflix ! C'est bien mieux. Le format de 60 minutes, c'est vraiment un truc très spécifique à l'Espagne. On est le seul pays au monde à faire les séries comme ça. Ça change un peu ma façon de travailler, mais pas tellement dans le fond. On fait toujours en sorte qu'il se passe beaucoup  de choses, de rebondissements, donc en soit, ça ne change pas grand chose que ce soit écrit pour 60 ou 40 minutes. Ça change en fait la structure et l'endroit où l'on place les cliffhangers...

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Sur la première photo promo dévoilée par Netflix (ci-dessus), on voit le Professeur entouré par Rio (Miguel Herran), Tokio (Ursula Corbero), Nairobi et Denver (Jaime Lorente). Et il y a un sixième personnage caché sous un masque de Dali. Est-ce que le premier mystère de la saison 3 se trouve là ?
En fait c'est anecdotique. Il n'y a pas vraiment de mystère caché derrière ce personnage là... Mais ce qui est vrai, c'est qu'il y aura de nouveaux personnages.

Et l'histoire d'amour entre le Professeur et Raquel alors ?
(rires) Ne vous inquiétez pas, on la verra dans la troisième saison. Entre eux, j'avais envie de faire un truc difficile, c'est à dire de créer une histoire romantique entre la personne en charge de la traque et le braqueur. Le Professeur avait tout prévu, tout millimétré. Sauf ses sentiments pour Raquel. Une dimension romantique qu'il n'avait pas anticipé et qui est venu perturber ses plans.

Parlez-nous de la chanson "Bella Ciao", ce vieil hymne révolutionnaire italien qui a fait le tour du monde grâce à La Casa de Papel ?
Je l'ai choisie pour avoir une chanson iconique, comme le masque de Dali, comme la couleur rouge révolutionnaire. Elle correspond à la philosophie du Professeur, à cette idée de résistance. C'est une chanson contre le fascisme italien de l'époque, mais tout le monde l'a déjà entendue au moins une fois et elle résonne aux oreilles de tous les téléspectateurs je pense.

Justement, le Professeur, vous le voyez comme un héros révolutionnaire, contre les banques, le système ?
Non pas exactement. C'est plutôt un voleur avec une mentalité sociale, presque philosophique, à une époque où il y a beaucoup de scepticisme sur la manière dont les banques et le Gouvernement central sont vus en Espagne. Mais moi, personnellement, je l'ai bien sûr pensé comme un héros.

Mais qu'est-ce qui vous a pris de tuer Berlin, dans la saison 2 ? Ça a fait beaucoup pleurer les fans vous savez...
Tous les personnages évoluent au fil de la série. Berlin aussi. C'est fondamentalement quelqu'un de misogyne, de cruel, d'odieux. Mais à la fin il meurt en héros. C'était voulu, dès le départ, le faire progresser, on voulait qu'il évolue comme ça, jusqu'à cette fin tragique...