- Fluctuat
Cela aurait pu être un moment plein de piquant, de chassés-croisés amoureux, de pétillantes séquences, de dialogues enlevés... Call me Agostino est un rendez-vous manqué, triste et ennuyeux, plombé par un intellectualisme excessif. Dommage ! Le titre, avec son brin d'exotisme, promettait mieux.
Il y a Hélène (Hélène Fillières) qui s'endort et se réveille au Louvre, s'y laisse débusquer par un homme de passage qui lui dit « call me Agostino ». Il est étranger, profite à distance des largesses de sa riche épouse. Puis une lampe se casse. Le pied, statue d'un petit dieu comme sorti du musée, doit être réparé. Alors Marianne (Jeanne Balibar) entre en jeu. Dans son atelier parisien donnant sur cour, elle fabrique des lampes aux abats jours inspirés. Elle aussi va rencontrer Agostino. Etranges relations, triangle imparfait... Mais à quoi joue donc Cupidon ?Attention, qu'on ne s'y trompe pas, Call me Agostino n'a rien d'une petite comédie romantique à la française. Ni sur le plan de la comédie, ni sur celui du romantisme. Pas de légèreté ici, bien au contraire tout prend des accents graves. Au démarrage, l'effroyable bande originale donne immédiatement le ton : le film sera désagréable, strident parfois, grimaçant à d'autres moments, rarement doux à l'oreille ou aux yeux. Promesse tenue, hélas ! Esthétisant à mourir, lent à dormir, symbolique à l'excès, le film de Christine Laurent s'avère dès les premières séquences trop orchestré, trop pensé, trop maniéré. La vague histoire de lampe fait tristement office de fil conducteur, prétexte en outre à quelques scènes de quête d'abat-jour sans grand intérêt. Autour, ni le jeu, ni les dialogues, ni la mise en scène ne coulent de source. Et malheureusement, rien ne sonne juste.Rideau !
Cette réflexion à outrance dirige l'agencement des éléments apparaissant à l'écran, de la déco aux costumes, des coupes de cheveux à l'élocution des comédiens, de la scène un à la scène deux, de la posture de l'un à la sortie de champ de l'autre... Apprenant que la réalisatrice Christine Laurent et son co-dialoguiste Georges Peltier sont des habitués de la dramaturgie et des oeuvres sur planches, on comprendra mieux ce franc goût pour le théâtral qui enrobe chaque élément. Et le cinéma, dans tout ça ? Il y en a peu. Dédaignant l'apport habituel de la caméra, qui permet de filmer les émotions au plus près, de capter l'infime vérité et le tremblement le plus subtil, Call me Agostino se revendique en concentré d'artificiel, sans naturel aucun. On se demande par exemple pourquoi faire alterner les dialogues en deux langues, français et anglais, sans logique vraisemblable. On s'énerve des longs silences tragiques, des séances contemplatives où rien n'est vraiment à contempler, de ce dessin parisien au trait forcé, de ces discussions sans intérêt où s'accumulent les sous-entendus téléphonés.Manque de simplicité donc, mais aussi d'émotion, de sentiment, de séduction, alors même que le sujet du film réside dans ces mots. Agostino, que deux femmes sont censées aimer, ne dégage pas une once de charme. Les rapprochements, les ébats même, sont dénués de toute sensualité. Les répliques se succèdent sans énergie, sans susciter attente ni envie. Coincés dans la peau de personnages jamais attachants, les comédiens font ce qu'ils peuvent pour surnager. Et, de fait, ils remplissent leur rôle comme on le leur a demandé - pas comme on aurait aimé. En somme, Call me Agostino est un film bien hivernal pour la saison. Là où les flèches de Cupidon auraient pu donner le jour à une réalisation amusante, distrayante, piquante... rien de ça ! Gris, pesant, froid sur tous les plans, le film de Christine Laurent, en misant tout sur la carte intello, passe à côté du malicieux angelot.Call me Agostino
Un film de Christine Laurent
Avec : Jeanne Balibar, Hélène Fillières, Jean-Pierre Cassel, Martin Wuttke, Maurice Garrel.
France, 2006 - 105 mn
Sortie en salles (France) : 12 juin 2006[Illustrations : © Gémini Films]
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Call Me Agostino