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Si l’Italie avait, avec Buongiorno, notte ou Nos Meilleures Années, commencé à régler ses comptes avec le passé, l’Allemagne restait discrète (et la France, carrément muette à ce sujet). Jusqu’à ce que le sulfureux producteur-scénariste Bernd Eichinger décide de s’attaquer de front au problème. Et quand on se souvient qu’on lui doit le script de La Chute, ce film polémique sur les derniers jours d’Hitler, on est forcément curieux. Est-ce pour se contenir qu’il a choisi d’adapter un livre-référence de Stefan Aust sur le sujet ? Peut-être, mais le résultat est d’une rare maîtrise, et sans doute l’un des plus remarquables thrillers allemands. Car plutôt que de revenir sur les faits et gestes les plus médiatisés de ce groupe de jeunes rebelles, Bernd Eichinger et son réalisateur et coscénariste Uli Edel veulent comprendre. Et expliquer pourquoi et comment cette génération fut la première à réagir – certes violemment – à son héritage nazi, à la répression policière, tout en s’accordant avec les mouvements de contestation internationaux contre la guerre au Vietnam, notamment. Ils reprennent donc le mal à la source quand, en juin 1967, une manifestation contre la visite du shah d’Iran tourne au cauchemar, et démontrent comment Ulrike Meinhof, une journaliste connue pour ses prises de position, et Andreas Baader, un blouson noir peu bercé d’idéologie, vont finir par se rencontrer. Pour le pire ! Pas de sentiments dans l’escalade vers une violence aveugle menée essentiellement par des femmes, prêtes à tout pour défendre leur cause. Mais le plus remarquable dans ce film d’action reste que les auteurs parviennent parfaitement à équilibrer leur propos, ne prenant à aucun moment parti pour les uns (l’État) ou pour les autres (les terroristes).
Toutes les critiques de La Bande à Baader
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- Fluctuat
Dans la RFA des années 1970, de jeunes idéalistes se perdent dans une spirale de violence infernale partants d'intentions pourtant pacifiques. Andreas Baader, Ulrike Meinhof et leurs compagnons de révolte sont admirablement mis en scène dans La Bande à Baader, qui revisite les années de plomb sans jugement moral ni admiration naïve, mais avec une précision aussi glaçante que le parcours de ce groupuscule terroriste.L'Europe exorcise ses démons en revisitant ses grandes figures d'ennemis publics. En France le diptyque de Richet sur Jacques Mesrine, en Irlande l'IRA dans Hunger de Steve McQueen, en Allemagne, La Bande à Baader de Uli Edel. Fascination morbide pour des figures criminelles ou simple exercice de compréhension de phénomènes qui ont marqué des générations ? La Bande à Baader, tiré du livre d'un ancien journaliste ayant connu certains membres de la Fraction Armée Rouge (RAF) et notamment Ulrike Meinhoff, a été écrit et réalisé par des personnes ayant été personnellement touchées par cette histoire, ayant suivi de près la montée de ce climat révolutionnaire, au départ fascinées, et très vite, avec les premiers morts, terriblement déçues. La recherche de sens est donc sans doute ce qui les motivait en réalisant ce film. Et la forme choisie est une chronique minutieuse des événements sur dix ans, des faits bruts, en laissant largement de côté les discours politiques de la RAF. Le résultat est un torrent d'événements dont on sait qu'il aboutit inexorablement à un déchaînement de violence, à la mort des principaux membres de la Bande, à un échec total.Du point de vue narratif, le poids de cette histoire est lourd à porter. Comment mobiliser le spectateur face à des héros qui n'en sont pas, face à des événements dont on sait qu'ils finiront mal ? La monstruosité des faits, les ambiguïtés des personnages, le gouffre entre leurs intentions premières - créer un monde meilleur - et le résultat de leurs actions fascinent et révoltent, et la qualité d'écriture du scénario place sans doute le spectateur d'aujourd'hui face à la même incompréhension que les Allemands des années 1970. La réalisation brute, avec le minimum d'artifice d'éclairage ou d'effets visuels mais avec une caméra mobile, qui suit les personnages dans leur agitation furieuse, aboutit à un vrai choc visuel et rend la violence de certaines scènes, de combats de rue notamment, extrêmement réaliste. Les acteurs principaux sont absolument impeccables et semblent s'être jetés dans leur rôle avec autant de ferveur que celle qui habitait les personnages qu'ils interprètent. On en ressort éprouvés, malmenés et bourrés de questionnement, avec pourtant le sentiment d'avoir compris quelque chose de ces sombres années. Un film puissant.La Bande à BaaderDe Uli EdelAvec Martina Gedeck, Moritz Bleibtreu, Johanna Wokalek, Bruno GanzSortie en salles le 12 novembre 2008Illus. © Metropolitan FilmExport - Exprimez-vous sur le forum cinéma- Lire le adaptation sur le blog cinéma
Le JDDpar Barbara ThéateUli Edel met en scène le terrorisme dans toute sa brutalité et montre comment une utopie vire au cauchemar sanglant. Le film, terriblement efficace, expose les faits, sans chercher à excuser ou à condamner. Ici, pas d'intrigue linéaire, ni de révolutionnaires montrés en héros, auxquels on serait tenté de s'identifier.
Pariscopepar Virginie GaucherPremière gageure du film : retracer de manière claire l’histoire de « La bande à Baader » de 1967 à 1977, un parti-pris didactique parfaitement réussi, et même assez puissant dans la toute première partie du film. Ce choix quasi documentaire se double d’une vraie tension, notamment dans la peinture des personnages, -c’est la 2e partie du film-, celle de leur emprisonnement à Stammheim, face à une escalade de violence qui les dépasse. Jamais idéalisée, le film décrit une génération perdue, dans un pays qui a occulté le nazisme : Andreas Baader charismatique mais sans véritable discours idéologique, Gudrun toute de dureté et de haine, et Ulrike (excellente Martina Gedeck) ses hésitations, ses ambigüités. Au final, une période complexe, traitée comme une page d’histoire sans démythification ni glorification.