Angoulême 2024- Jour 4
Diaphana/ ARP

Bilan quotidien de la 17ème édition du festival du film francophone d’Angoulême

Le film du jour : En fanfare de Emmanuel Courcol

En fanfare à l’écran… et dans la salle. Découvert au festival de Cannes et porté par un buzz enthousiaste (et justifié !) depuis, le nouveau long métrage d’Emmanuel Courcol a eu droit à une projection particulière hier soir au Grand Théâtre d’Angoulême, suivie d’un concert du Brass Band de Charente, orchestre uniquement composé de cuivres et de percussions, qui s’en est donné à cœur joie, porté par la chaleur d’un public conquis par le film qu’il venait de voir. Après Un triomphe (qui avait pâti d’une sortie en salles au cœur des années COVID), Courcol confirme son aisance dans l’art du feel good movie émouvant mais jamais mièvre car toujours surprenant dans la conduite de son récit et dans l’écriture subtile de personnages aux multiples facettes.

On suit ici Thibaut, chef d’orchestre réputé qui, alors qu’il a besoin d’une greffe osseuse urgente venant d’un membre de sa famille pour guérir d’une leucémie foudroyante, découvre tout à la fois qu’il a été adopté et qu’il a un frère, Jimmy dont il a été séparé la naissance. Un employé de cantine scolaire qui joue du trombone dans la fanfare de son village du nord de la France. En fanfare joue donc sur le choc des contraires, sur la manière dont chacun des deux frères aura tour à tour l’occasion de sauver l’autre. D’une mort certaine dans le cas de Thibaut. D’une vie un peu trop étroite par rapport à ce qu’elle aurait pu être si lui aussi avait été adopté par une famille aisée dans celui de Jimmy. Il questionne le lien fraternel comme le déterminisme social en faisant fi des clichés ou plutôt en jouant avec les a priori, ceux de ses personnages comme ceux que nous spectateurs pouvons projeter sur eux.

On pense évidemment aux Virtuoses et à tout ce pan du cinéma social britannique capable de donner naissance à ces chroniques où rires et larmes se succèdent et se chevauchent dans un même geste incroyablement fluide. Mais Courcol s’inscrit aussi et surtout dans le paysage sociétal français, celui de ce Nord payant encore, toujours et plus que jamais les conséquences d’une désindustrialisation à marche forcée, dont il se fait le portraitiste aiguisé. Et de la même manière qu’il faisait briller Kad Merad dans Un triomphe, le duo Benjamin Lavernhe-Pierre Lottin, parfaitement au diapason, crève ici l’écran.

Sortie le 27 novembre


 

Le trio du jour : Lou Lampros-Théo Christine-Victor Belmondo dans Vivre, mourir, renaître

C’est un film qui se situe dans la droite lignée des Nuits fauves, de Plaire, aimer et courir vite ou de 120 battements par minute. Ou plutôt qui les complète. Comme eux, Vivre, mourir, renaître parle du surgissement brutal et dévastateur du SIDA dans le quotidien des gens qui s’aiment – en l’occurrence ici un garçon bi, sa compagne hétéro et un garçon gay – mais son action se situe dans la décade suivante, celle des années 90, au moment de l’arrivée de la trithérapie qui sauvera des vies mais obligera aussi les survivants qui pensaient leur fin venue à repenser leur existence, à lui redonner un sens, une énergie, un but, quitte à prendre ses distances avec leurs vies d’avant.

Gaël Morel s’aventure ici avec bonheur sur le terrain du mélo avec un grand sens du romanesque dans un geste qui frappe par son épure, sa manière de vous foudroyer le cœur sans jamais forcer le trait. Mais si Vivre, mourir, renaître est son plus beau et plus puissant film à ce jour, il le doit aussi à un trio d’acteurs électrisant : Lou Lampros (la sublime révélation de Ma nuit d’Antoinette Boulat), Théo Christine (qui fut un impressionnant Joey Starr dans Suprêmes d’Audrey Estrougo, le film sur les jeunes années de NTM) et Victor Belmondo (qui après Albatros et Arrête avec tes mensonges crève ici l’écran comme jamais). A leur charisme, leur complicité, leur talent à être aussi juste dans l’explosivité que dans l’intériorité des sentiments qu’ils ont à exprimer au fil des soubresauts émotionnels de cette histoire passionnelle. Ce film restera un marqueur décisif dans leurs parcours respectifs.

Sortie le 25 septembre


 

Le documentaire du jour : Rue du conservatoire de Valérie Donzelli

Valérie Donzelli était à l’honneur de cette édition 2024 du festival d’Angoulême où depuis mardi ont été projeté tous ses films de sa réalisatrice et sa série Nona et ses filles. Ce focus s’est achevé en beauté hier avec la projection de son nouveau film qui prouve que, décidément, elle n’est jamais là où on l’attend. Peu après son César de la meilleure adaptation (partagée avec sa co-scénariste Audrey Diwan) pour L’Amour et les forêts, la voici en effet aux commandes de son premier documentaire, né d’une rencontre avec Clémence, une élève du Conservatoire de Paris où elle a donné une master class.

Rue du conservatoire accompagne le spectacle – un Hamlet revu et corrigé - que Clémence met en scène avant de quitter l’école. Valérie Donzelli filme les répétitions et recueille les confidences de Clémence et ses interprètes (dont Lomane de Dietrich, la révélation du Retour qui crève encore l’écran) dans ce moment unique de leur parcours, juste avant de prendre leur envol, où aucun rêve ne paraît inaccessible. L’empathie qu’elle déploie, sa manière, d’être au milieu d’eux donne une émotion particulière à ce film qui dépoussière aussi subtilement l’image de la figure du metteur en scène, ici tout sauf démiurge tyrannique mais capable de partager ses doutes sans perdre le contrôle de sa troupe.

Sortie le 18 septembre