Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
US ★★★☆☆
De Jordan Peele
L’essentiel
Le réalisateur continue de chatouiller la mauvaise conscience américaine dans un film d’horreur brillant..
Plus rien n’arrête Jordan Peele. Deux ans à peine après le succès de Get Out, et alors qu’il supervise, via sa boîte de prod’ Monkeypaw, tout un tas de projets excitants (l’anthologie Weird City sur YouTube, un reboot de la Twilight Zone pour CBS…), l’homme décoche déjà un nouveau long-métrage. Précédé d’une campagne marketing irrésistible (dont le sommet était un trailer dément au son du I Got 5 on It de Luniz), Us, comme son prédécesseur, entend mélanger la comédie et l’horreur dans un grand rideeuphorisant qui, au-delà du fun, titillerait la mauvaise conscience US (qui, vous l’aurez remarqué, s’écrit comme Us).
Frédéric Foubert
PREMIÈRE A ADORÉ
LA FLOR, PARTIE 2 ★★★★☆
De Mariano Llinás
Après plus de cent vingt ans d’existence, on pourrait croire avoir tout vu et tout entendu au cinéma. Penser, à entendre certains esprits chagrins, que tous les films ont été faits. Et que les créateurs sont donc désormais condamnés à se répéter avec plus ou moins de bonheur. Venu d’Argentine, La Flor met une claque vivifiante à ces idées reçues, aux tenants du « ce ne sera jamais mieux qu’avant », à ceux qui croient dur comme fer que le cinéma a définitivement rendu les armes et abandonné à la série toute velléité créative. C’est un projet fou, ne rentrant dans aucun cadre ou plutôt les fracassant pendant plus de treize heures.
Thierry Chèze
PREMIÈRE A AIMÉ
DERNIER AMOUR ★★★☆☆
De Benoît Jacquot
Alors que les rapports hommes-femmes constituent le cœur de son cinéma, il était logique de voir Benoît Jacquot se confronter un jour à la figure du séducteur par excellence, Casanova. Il se penche ici sur un moment précis de sa vie, lors de son exil à Londres, où il va tomber sur un os : la Charpillon, prostituée dont le charme envoûtant lui fait soudain oublier toutes les autres femmes. Seul hic, la demoiselle ne s’en laisse pas compter. Et va même lui donner une petite leçon en lui rappelant la primauté de la montée du désir sur la possession dans toute relation amoureuse.
Thierry Chèze
SUNSET ★★★☆☆
De László Nemes
Budapest à la veille de la Première Guerre mondiale. Irisz, une jeune chapelière, revient dans le grand magasin de chapeaux qui a appartenu à sa famille et y réclame sa place qu’elle estime légitime. Mais elle va se heurter aux secrets des nouveaux dirigeants. Quatre ans après avoir plongé sa caméra dans le cœur d’Auschwitz avec Le Fils de Saul, László Nemes semble radicalement changer d’espace-temps : une Budapest Belle Époque et estivale à la place des camps.
Sylvestre Picard
M ★★★☆☆
De Yolande Zauberman
M, c’est une référence à M le maudit, ce film de Fritz lang qui suit un tueur d’enfants. M, c’est Menahem, le héros du film. Quand il était enfant, Menahem habitait Bnei Brak, une banlieue de Tel Aviv où résident les juifs ultraorthodoxes, les haredim. Il était connu pour sa gentillesse, son sens de l’étude et sa voix d’or qui résonnait dans la synagogue. Mais il gardait pour lui son secret : pendant des années, il a été violé par des membres de la communauté. Une décennie plus tard, il retourne –ou est-ce la cinéaste Yolande Zauberman (Moi Ivan, toi Abraham) qui l’entraîne ?– sur les lieux du crime. Il tente d’y faire entendre sa voix, de prévenir les autres, de s’expliquer de nouveau avec ses parents. Au cours de ce retour initiatique, un groupe de parole d’hommes partageant les mêmes traumas se constitue. Ils nous bouleversent.
Sophie Benamon
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
QUI M’AIME ME SUIVE ★★☆☆☆
De José Alcala
Simone est mariée depuis toujours à Gilbert, retraité aigri. Alors quand part le fougueux Étienne, son amant et voisin d’en face, et ami d’enfance de Gilbert, Simone décide de s’en aller. Qui l’aime la suive... On pourrait résumer le nouveau film du rare José Alcala (l’intéressant Coup d’éclat date de 2011) par la formule « Jules et Jim chez les seniors » : Daniel Auteuil et Bernard Le Coq se disputent les faveurs de Catherine Frot, insaisissable sexagénaire qui troque sa vie rangée pour la frivolité et la liberté. La description de la France de la débrouille (et de ces retraités touchés de plein fouet par la crise) et des idéaux soixante-huitards réduits à des souvenirs douloureux laisse augurer du meilleur. Mais les trop grosses ficelles scénaristiques finissent par plomber les meilleures intentions.
Christophe Narbonne
L’HOMME QUI A SURPRIS TOUT LE MONDE ★★☆☆☆
De Natalya Merkulova et Aleksey Chupov
Difficile de parler de ce film sans en déflorer l’intrigue. Essayons. Lorsqu’un garde-forestier, atteint d’une maladie incurable, décide de recourir à une “technique” païenne pour tromper la mort, il provoque l’incompréhension puis la colère des villageois du coin de Sibérie où il vit avec sa famille... Mélange de folklore local et de commentaire politique sur la situation des marginaux en Russie, ce deuxième film d’un couple de cinéastes évoque en sourdine le cinéma codifié et secrètement explosif d’un Sergei Loznitsa. Il n’en a cependant pas l’ampleur dramatique ni onirique.
Christophe Narbonne
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
CÓMPRAME UN REVÓLVER ★☆☆☆☆
De Julio Hernández Cordón
Découvert à la Quinzaine des réalisateurs, ce septième long métrage de Julio Hernández Cordón, cinéaste mexicain méconnu sous nos latitudes, raconte la survie d’une jeune fille dans un univers hostile : un terrain de baseball au coeur du Mexique, squatté par une bande de narcotrafiquants et tenu par son père junkie. Après avoir vu sa femme et sa fille aînée enlevées, ce dernier tente tant bien que mal de protéger sa petite dernière en la faisant passer pour un garçon, tout en redoutant le moment où elle lui sera aussi enlevée. Cordón réussit à créer un climat de tension qui perdure tout au long de l’intrigue. Mais à force de ne rien expliquer des situations (présentes comme passées) et de multiplier les personnages (enfants comme adultes) sans les creuser, son récit finit par susciter désintérêt puis ennui jusqu’à une fin trop abrupte par rapport à la lenteur assumée de son rythme initial.
Thierry Chèze
LE CORPS SAUVAGE ★☆☆☆☆
De Cheyenne Carron
Depuis 2005, Cheyenne Carron a réalisé dix films -dont neuf depuis 2010. Un rythme de stakhanoviste pour cette réalisatrice atypique qui s’autoproduit et aborde des sujets plus ou moins radicaux. Dans Le corps sauvage, elle fait le portrait d’une jeune femme, Diane, chasseresse des temps modernes qui cherche un sens à sa vie dans un village près d’une forêt luxuriante. Sur place, Diane fréquente une communauté de jeunes écolos qui qui ne défendent pas tous la même idée de la chasse... Bavard, théorique, le film n’offre pas beaucoup l’occasion de vibrer ou de s’évader. Quelques jolis plans, d’un panthéisme scolaire, ne suffisent pas à compenser ce manque d’allant.
Christophe Narbonne
LEUR SOUFFLE ★☆☆☆☆
De Cécile Besnault & Ivan Marchika
Comment soulever chez le spectateur la question du divin ? Ou plutôt comment trouver la forme juste pour capter le souffle particulier qui est censé animer ceux qui se consacrent à Dieu ? Les deux réalisateurs de ce documentaire ont passé des heures au sein d’une abbaye bénédictine comme coupée du monde pour décrire le quotidien des sœurs : prière, atelier de peinture, cuisine, repas, et même partie enflammée de balle au prisonnier... Le tout au milieu des décors majestueux et ensoleillés du Sud de la France. Malheureusement, ni intériorité, ni vertige ici mais le sentiment que la caméra reste totalement indifférente aux êtres qui passent devant son objectif. Comme si l’acte même de filmer suffisait à saisir la profondeur de l’ensemble. On cherche vainement un œil, un regard, derrière cette pieuse réalité soudain décorative. Le miracle n’a pas eu lieu.
Thomas Baurez
SAUVAGES ☆☆☆☆☆
De Dennis Berry
Sauvages se regarde et se vit comme une expérience sourde. Deux femmes aux destins brisés se rencontrent, l’une sort de prison après un vol qui a mal tourné, l’autre est une artiste recluse dans une maison. Dans ce huis clos, les deux protagonistes tentent de s’apprivoiser, tantôt en se balançant des banalités, tantôt en se réfugiant dans le silence. Le scénario semble glisser vers une histoire d’amour sulfureuse. Mais les scènes s’enchaînent sans force et sans trame cohérente, et rendent difficile à supporter ce duel dont on ne comprend pas les enjeux. Aux commandes, Dennis Berry (Laguna et Chloé sont ses deux derniers films) tente de faire son Bound et d’imiter les Washowski dans ce qui voudrait être un thriller pervers, mais ne se révèle qu’un pensum, entre malaise et ennui.
Sophie Benamon
Et aussi
Du miel plein la tête de Til Schweiger
Entre les roseaux de Mikko Makela
Walter de Varante Soudain
Résistantes de Fatima Sissani
Social business d’Amirul Arham
Reprises
L’arche russe d’Aleksandr Sokurov
Ragtime de Milos Forman
Travail au noir de Jerzy Skolimowski
Signes particuliers : néant de Jerzy Skolimowski
Un Américain bien tranquille de Joseph L. Mankiewicz
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