Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
ÇA ★★★☆☆
D’Andy Muschietti
L’essentiel
Le clown Pennywise est de retour dans une adaptation majestueuse du livre de Stephen King.
“Il” revient. Pennywise. Le croquemitaine préféré de la génération “jeudis de l’angoisse”. Alors qu’Hollywood se reprend de passion pour les écrits de Stephen King (La Tour sombre au ciné, les séries Mr Mercedes, The Mist, Castle Rock…), il s’agissait d’offrir un écrin digne de ce nom au joyau de la couronne King, le plus terrifiant et adoré des bouquins du Roi. C’est le petit génie argentin Andrés Muschietti (réalisateur du bouleversant Mama en 2013) qui a été choisi pour ressusciter le scary clown traumatique. Et ce sont les années 80 qui ont été élues comme setting du film (le livre originel se déroulait dans les années 50), ce qui paraît logique dans un monde obsédé par les succédanés d’E.T. (et de E.T. à IT, il n’y a qu’un pas). Un monde où les Duffer Brothers triomphent avec une série, Stranger Things, qu’ils ont conçue par dépit, frustrés et amers que l’industrie refuse de leur confier les rênes d’un nouveau Ça…
Pierre Lunn
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PREMIÈRE A AIMÉ
FAUTE D’AMOUR ★★★★☆
D’Andreï Zviaguintsev
En 2014, l’épopée polyphonique Léviathan a fini d’imposer Andreï Zviaguintsev en formaliste de catégorie A, peintre cruel des mœurs tarées de son pays, aimant à mixer la Bible et Dostoïevski, la série noire et la satire politique, Tarkovski et les pages faits divers. De quoi attendre son nouveau film de pied ferme. Moins touffu, moins fou, mais encore plus sombre et âpre (si possible), Faute d’amour commence comme un remix de Scènes de la vie conjugale dans la périphérie de Moscou (un homme et une femme en instance de divorce tentent de vendre leur appartement au plus vite, parce qu’ils ne peuvent plus passer cinq minutes ensemble sans se hurler dessus) avant de virer au procédural climatique hardcore, quand leur enfant de 12 ans, auquel ils ne prêtent jamais attention, disparait subitement, et que les recherches s’organisent.
Frédéric Foubert
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PREMIÈRE A PLUTÔT AIMÉ
MON GARÇON ★★★☆☆
De Christian Carion
Christian Carion n’est pas à proprement parler le réalisateur le plus dingo de France. Les consensuels Une hirondelle a fait le printemps, Joyeux Noël, En mai fais ce qu’il te plaît l’ont plutôt rangé dans la catégorie pépère des élèves appliqués qui récitent leur travelling et leur panoramique d’après le manuel. L’affaire Farewell -déjà avec le fidèle Guillaume Canet- avait néanmoins laissé entrevoir un appétit pour les atmosphères grises et étouffantes accolées aux films de genre dont Mon garçon est un exemple autrement plus convaincant.
Christophe Narbonne
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GAUGUIN – VOYAGE DE TAHITI ★★★☆☆
D’Edouard Deluc
Auteur du remarqué Voyage à Mendoza, road-movie tragicomique en Argentine, Edouard Deluc poursuit dans la veine périple avec ce biopic du célèbre précurseur de l’art moderne dont il raconte l’exil en Polynésie, à la fin du 19ème siècle. Las du parisiannisme et de son entre-soi, Gauguin rallia l’autre bout du monde pour, croyait-il, se ressourcer et donner un nouvel élan à son art. Sur place, il fut surtout confronté à la maladie et la misère, tout juste adoucies par son mariage tribal avec une beauté locale. À la façon de Pialat dans Van Gogh, Deluc traque l’animal taciturne et solitaire derrière l’homme et l’homme derrière l’artiste pour élucider le mystère de la création, fruit de l’intuition, de l’immanence et d’un oubli de soi pouvant mener à sa propre perte. Le résultat, entre ultra réalisme convaincant et contemplation un peu vaine, vaut avant tout pour la prestation hors normes de Vincent Cassel, amaigri et vieilli, qui parvient à rendre concrète la solitude abyssale de l’artiste.
Christophe Narbonne
KISS & CRY ★★★☆☆
De Chloé Mahieu et Lila Pinell
Remarqué lors du dernier Festival de Cannes (il était présenté à l’ACID), le premier long métrage de Chloé Mahieu et Lila Pinell, issues du documentaire, surfe sur la mode du docufiction. On y suit les mésaventures de Sarah, jeune patineuse confrontée à l’exigence de la compétition, à la découverte de la sexualité et aux querelles familiales. Les deux réalisatrices s’amusent à pervertir les codes narratifs, comme dans cette scène post-générique de début qui montre en plan-séquence fixe une jeune fille et sa mère dialoguer avec l’entraîneur de la première. D’un réalisme saisissant et désarmant (il est question d’une blessure irréversible pour l’apprentie patineuse), elle introduit l’idée que nous sommes face à un documentaire sur le sport de haut niveau, avec ses éducateurs impitoyables et ses parents déboussolés. On se trompe d’autant plus qu’il n’y a pas Vincent Lindon pour nous avertir que Kiss & Cry est une pure fiction, jouée par des amateurs et quelques pros méconnus comme Dinara Droukarova. Plus le film avance, plus l’évidence de la fiction se fait jour. En ciblant le propos sur la jeune Sarah, dont la famille a déménagé à Colmar pour lui permettre d’intégrer un club émérite, Mahieu et Pinell développent plusieurs problématiques que la fiction permet de rendre plus “attractives” : la pression maternelle qui s’exerce sur Sarah, son intérêt grandissant pour les garçons, ses démêlés avec ses copines, sa relation conflictuelle avec le coach… De réaliste la mise en scène devient atmosphérique avec des ralentis, des surimpressions sur fond de musique electro un peu planante qui traduisent le désarroi intérieur de l’héroïne. Kiss and Cry est un teen movie atypique, mal aimable qui capte avec une vérité rare la transition vers l’âge adulte avec son cortège de malentendus, de violence, d’hystérie et d’acceptation.
Christophe Narbonne
A CIAMBRA ★★★☆☆
De Jonas Carpignano
Son Mediterranea l’avait fait remarquer il y a deux ans. Le jeune Jonas Carpignano (33 ans) jette à nouveau avec A Ciambra un regard chargé d’humanité sur les opprimés, les miséreux et les exclus qu’il filme sans filtres, dans leur élément. Ici, il est question des roms du sud de l’Italie, communauté vivante, exubérante peu ou partie liée avec la mafia locale. Quand son père et son frère aîné sont emprisonnés, le jeune Pio, 14 ans, décide de reprendre le business sans mesurer les dangers encourus. Dardennien sur la forme (le filmage de dos, la détermination butée du héros qui crée un mouvement permanent), A Ciambra se réfère sur le fond au travail de Roberto Minervini (The other side) par son immersion au sein d’un corps social défini à qui il fait jouer (ou rejouer) certaines scènes de son quotidien. Les scènes familiales sont ainsi formidablement incarnées parce qu’elles sont vraies. Carpignano est moins à l’aise dans le registre de la pure fiction, notamment lorsqu’il s’agit de faire interagir Pio et un migrant africain qui veille sur lui. Mais l’essentiel est là, dans cette description brute d’une réalité complexe où la violence cohabite avec la tendresse.
Christophe Narbonne
LES HOMMES D’ARGILE ★★★☆☆
De Mourad Boucif
Comme ses compatriotes marocains, Sulayman est embarqué malgré lui dans la Seconde Guerre Mondiale aux côtés des Français. Il laisse derrière lui la belle Khadija et tous ses espoirs. Déjà abordé dans Indigènes, le sujet de l’enrôlement des hommes issus des colonies est ici abordé sous un angle plus allégorique à travers le personnage principal, traversé de visions et en communion avec la nature. Visant volontiers Malick et sa Ligne rouge, le film de Mourad Boucif et sa belle photo désaturée argileuse pâtit de son manque de moyens (le casting est très hétérogène) mais marque assurément les esprits.
Christophe Narbonne
DES RÊVES SANS ÉTOILES ★★★☆☆
De Mehrdad Oskouei
De quoi peuvent bien rêver les jeunes filles emprisonnées en Iran pour vol, trafic de drogue ou meurtre ? De liberté ? Pas forcément : à l'approche du Nouvel An, certaines aimeraient retrouver leurs familles, mais beaucoup n'ont aucune envie de rentrer à la maison. L'ennui de la vie carcérale est accablant, mais dehors, c'est pire : il y a le jugement des proches, la violence des parents...
Bien décidé à libérer leur parole, à offrir une voix à ces (très jeunes) filles de l'ombre, le réalisateur iranien Mehrdad Oskouei les interroge patiemment, avec empathie. Sans chercher à les chambouler, mais en posant tout de même des questions directes, il créé une relation de confiance. Alors, elles lui parlent de leurs parcours, de leurs désirs, de leurs visions de l'avenir. Peu à peu, chaque témoignage fait écho aux autres et dresse un portrait terrible de la société où la drogue, la maltraitance et l'inceste ravagent des familles entières.
Élodie Bardinet
LAETITIA ★★★☆☆
De Julie Talon
Championne du monde de boxe thaïe à 26 ans, Laetitia Lambert ne veut pas laisser son titre et se prépare pour un nouveau combat. Mais des années ont passé, Laetitia a eu un fils, elle s’est laissée aller, et pour espérer remporter la victoire, elle doit reprendre l’entrainement, et perdre 12 kilos. Grâce à la proximité de sa caméra, Julie Talon suit le quotidien de cette jeune femme, qui montre ses failles devant l’objectif, qui lutte avec son corps, dans l’espoir de remonter sur le ring. La réalisatrice filme ses séquences avec subtilité, de telle manière qu’on a parfois l’impression d’être dans une fiction. Têtue et bornée, la boxeuse n’abandonne pas son rêve et transmet un beau message en nous faisant découvrir sa passion.
Maxime Kasparian
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