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Retour sur les résultats de la 36ème cérémonie des César. Un palmarès digne de Salomon : juste et sage, contre tout ce qui avait été pronostiqué.On a été un peu vite en besogne. Trop vite pensé que la 36ème cérémonie des César pourrait reproduire le schéma des César 2010, où un film d’auteur austère et puissant avait raflé la mise (9 César pour Un Prophète de Jacques Audiard). Problème : Xavier Beauvois n’est pas Audiard et ses Dieux ne sont pas son Prophète. On avait donc parié trop vite sur le sacre (Ô saint) des Hommes et des dieux. Or, on le sait, les voies du seigneur et des membres de l’académie sont impénétrables. Alors, OK, Beauvois ne repart pas bredouille (3 César : celui du meilleur film, de la meilleure photo et du meilleur second rôle pour Lonsdale); mais par rapport à ce que tout le monde lui promettait, c’est tout comme. Et la cérémonie a du coup gardé un gout de suspens jusqu'au bout... Beauvois ? Polanski ? Beauvois ? Polanski ? Le véritable winner de cette soirée aura finalement été Roman Polanski. Cité à tout bout de champ (par Edgar Ramirez, par Jodie Foster...), gagnant (haut la main) des gros plans caméras dans la salle, le cinéaste rafle 4 statuettes. Celles du meilleur réalisateur, de la meilleure adaptation, de la meilleure musique et du meilleur montage. Evidemment, on entend déjà une partie de la vox populi rejouer le match de l’année dernière et raviver la tension autour du cas Polanski. Un César de copinage ? L’autosatisfecit d’une profession qui s’était levé comme un seul homme pour défendre le cinéaste attaqué par les américains ? Impossible d’y échapper surtout que Polanski a fini The Ghost Writer en prison et que le film doit se lire entre les lignes comme l’autoportrait du cinéaste en homme traqué. Mais c’est manquer le plus important : The Ghost Writer est un bon film, réalisé par un grand cinéaste. Fantaisie parano-ludique où le magnétisme polanskien fonctionne à fond, The Ghost Writer est un film qui, de l’écriture à la griserie esthétique, de la direction d’acteur à la musique, affirme la supériorité du cinéaste. Même si on peut y trouver quelques défauts (le dénouement), pas la peine de tergiverser : ses César étaient vraiment mérités. Tout comme ceux de Beauvois. Des Hommes et des Dieux est un film en état de grâce (donc justement Césarisé) porté par la photo monstrueuse de Champetier (césarisée) et la présence joyeusement imposante de Lonsdale (Césarisé). Tout est à sa place. D'une justice imparable.Justice aussi du côté des acteurs. Face aux monstres sacrés qu’on annonçait triomphants ce soir (Deneuve et Depardieu) c’est finalement la jeune génération qui aura été récompensée. Une fois encore, contre tous les pronostics. Sara Forestier est géniale dans Le Nom des gens et ce qu’elle y accomplit en terme de comédie est à des coudées au-dessus de l'interprétation de Catherine Deneuve dans Potiche. Eric Elmosnino est un Gainsbourg très convaincant. C’était la perf de l’année, et dans un biopic : l'exercice suprême pour un acteur. Un sans faute là aussi et des récompenses imparables.Triomphe des jeunes talents, couronnement de Beauvois et Polanski, le prix pour Ramirez... tout est juste dans ce palmarès qui utilise le saupoudrage comme arme de diplomatie artistique. Trop ? Fake ? On peut penser que ça frôle parfois le risible, notamment pour les César techniques ou les courts-métrages : Logorama est un film d’animation génial, mais qu’on a déjà vu partout ailleurs (aux Oscars et à Cannes en 2010). Le César du meilleur costume attribué au seul film en costume ? Hmmm. Celui du meilleur son au film musical ? OK. C'est à ce moment là que les limites de l'exercice d'équilibriste se font le plus sentir. Là, également qu'on se rappelle que tous les films un peu provocants, différents, avaient été consciencieusement évacués des nominations. Vénus Noire ? une seule nomination, qu'on s'empresse d'oublier au palmarès. Enter the void ? Aucune. Mais on commence à faire les difficiles. Car on doit surtout remarquer que ce qui avait été entamé l'année dernière avec le sacre de Tahar Rahim se perpétue cette année. Malgré le (faux) scandale des Petits Mouchoirs, les César prennent en compte l'arrivée d'une jeune génération (le symbole Leila Bekhti) et s'ouvrent sur un cinéma diversifié, engageant qui ne renie plus la comédie, consacrent des films d'auteur et des films populaires. Tout juste on vous dit. Et c'est pareil pour la présentation. Ces dernières années les présentations catastrophiques de Valérie Lemercier en avaient embarrassé plus d’un (vous vous souvenez du zouk ? Et de Rabbi Jacob ?). Cette année, De Caunes a rempli son office, sérieusement. Ses blagues acerbes, provocs, et ses petits sketchs étaient bien sentis. OK, il a refait ce que Billy Crystal faisait pour les Oscars il y a 15 ans, ressortis ses vannes d'Eurotrash. Mais il l'a fait avec un certain talent et une belle aisance. Et s'il y a eu des ratés (le simili western et le sketch nul d'Elie Seimoun), ils n'ont jamais été catastrophiques, et ont finalement rythmé la soirée. Dans cet océan de justesse, on saluera une dernière fois Sara Forestier. Ses blagues sur sa culotte et sur sa virginité, sa robe incroyable, son remerciement à Kechiche, le grand absent... Tout sonnait vrai. Pas juste cette fois, mais tranché. Inspiré. Elle aussi, mais d'une autre manière, a contribué à la réussite de ces César 2011.Gaël Golhen