Qui des deux a jeté l’autre dans l’aventure ?Daniel Auteuil: On s’est poussés mutuellement. C’est venu d’une envie pendant le tournage d’Avant l’hiver, le film de Philippe Claudel. Nous avions une scène durant laquelle les choses ont bien résonné entre nous, et après nous avons ressenti une impression de manque. On avait déjà connu ce sentiment lors du tournage de La Doublure de Francis Veber. Nous avons commencé à discuter de ce que nous pourrions faire et le théâtre s’est imposé comme une évidence. Mais il nous fallait trouver une pièce.Pièce que vous, Richard Berry, aviez sous la main ?Richard Berry : Quelques mois auparavant, Eric Assous m’avait donné ce texte à lire, dans une autre version, avec plus de personnages, une structure différente. J’avais trouvé le pitch très fort. Alors, j’en ai parlé à Daniel et l’argument lui a plu. J’ai demandé à Eric Assous de retravailler pour nous deux. Il s’est tout de suite mis à l’ouvrage et nous avons beaucoup aimé le résultat.La pièce s’appelle Nos Femmes, on en déduit que la gent féminine va être gâtée ?R.B.Quand on connaît le travail d’Assous qui tourne énormément autour du couple, on peut dire que c’est la première fois que les femmes ne sont pas en scène !D.A.Mais on ne parle que d’elles !R.B.On parle plus librement d’elles quand elles ne sont pas là !Et l’une d’elles a été tuée par son époux qui vient l’annoncer à ses deux meilleurs amis !R.B.Ce drame les renvoie à leur amitié, à leur vie, à leur couple, à l’absence de rapport que Paul, le personnage de Daniel, a avec sa femme et à ceux trop conflictuels que Max, mon personnage, entretient avec la sienne.Une telle révélation doit être un choc…D.A. Dans un premier temps, Paul et Max éprouvent de la stupeur. Il faut dire que leur ami Simon (Didier Flamand) arrive dans un sale état, complètement ivre, et continue à s’enfiler verre sur verre. Du coup, ils ont du mal à le croire. Mais comme la chose s’avère exacte, ils sont anéantis. A partir de ce moment-là, on appuie sur le ressort de la pièce. Il va y avoir antagonisme entre la personnalité de Paul et celle de Max durant cette nuit où le destin de Simon se joue. Mon personnage va d’abord plaider pour lui.R.B.Et le mien être contre lui. C’est une remise en question, un « règlement de comptes à O.K. Corral ».D.A.C’est tragique, mais cela n’empêche pas la vie de continuer. On rit malgré nous de nous, de nos réactions, de nos peurs, de nos doutes.Pour Max, Paul et Simon, c’est quoi l’amitié ? Un prolongement de leur jeunesse ?D.A.Leur amitié est pudique, ils se sont protégés pendant des années. Et si tout se dit violemment maintenant, c’est pour aller plus vite.R.B.Le caractère extrême de la situation les y oblige. Ils font « le bilan » !D.A. Quant à la partie de cartes hebdomadaire, elle est juste un prétexte à l’amitié, une bulle d’oxygène.Richard Berry, vous jouez et signez la mise en scène en même temps. Pourquoi ce choix ?R.B. Au départ, je n’étais pas parti pour mettre en scène. Mais en parlant avec Daniel, il m’a très gentiment fait comprendre que cela lui ferait plaisir. J’aime mettre en scène, au cinéma comme au théâtre. Par confort, j’aurais pu choisir de ne rester que comédien. Je sais, par expérience, qu’allier les deux, c’est très lourd. Alors, j’ai tout préparé très en amont. Les décors, les costumes sont prêts, je connais mon texte depuis plus de deux mois. Du coup, je peux me concentrer sur les acteurs et éprouver du plaisir.Daniel Auteuil, vous le qualifieriez de metteur en scène exigeant ?D.A. On retrouve les qualités que Richard possède comme comédien, une très grande rigueur, une vérité, un sens pointu du travail, de la pensée. On peut s’appuyer sur son regard d’acteur. Comme un chef d’orchestre avec le soliste, il va demander une note et je vais la lui donner. On se fait confiance. Nous avons le même le goût de la précision et de la beauté des choses. Richard véhicule des images, une vision, ce n’est pas uniquement un directeur d’acteurs.Les réservations marchent très bien, on sent l’impatience du public…D.A. C’est très agréable et il va falloir que nous soyons à la hauteur de ses attentes.R.B. Nous travaillons beaucoup pour cela… !
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