Avec Midnight Special, Jeff Nichols passe la quatrième. Du budget, de la SF, Spielberg en ligne de mire et la Warner comme producteur. Rencontre
Cador annoncé du jeune cinéma US, Jeff Nichols s’acquitte avec Midnight Special du difficile « premier film de studio » avec un papa, son fils et le Sud américain. Comme si rien n’avait changé depuis Shotgun Stories. Comme si… Rencontre avec un surdoué en progression constante.
Par ses thèmes, son acteur principal, on a l’impression que Midnight Special est la suite directe de Take Shelter.
C’est juste. En tout cas, c’est comme ça que je l’ai envisagé, comme un film sur le fait d’être père, faisant suite à un film sur l’angoisse de le devenir. Le genre, ensuite, n’est qu’une convention, un contexte, et des archétypes. On n’est même pas dans un simple film de SF, plutôt dans un sous-genre un peu idiot, le film de SF avec le FBI aux trousses… Mais ce qui m’intéresse vraiment, c’est ce qui se passe dans cette bagnole. L’idée, c’est que ces personnages seraient sur cette route même s’ils n’étaient pas poursuivis. Un père et son fils : ils ont un chemin à faire ensemble, vers l’inconnu.
Michael Shannon, un acteur très spécial
Justement, l’autre thème du film, c’est la foi.
Oui. C’est quelque chose qui me passionne. Ici, il y a la foi dans l’inconnu d’une part et les fausses religions, les faux systèmes de valeur de l’autre – que ce soit le gouvernement qui croit en ce garçon ou la secte. Ces deux derniers groupes se trompent, puisqu’ils attendent quelque chose du garçon. Ce n’est pas le garçon en tant que tel qui les intéresse mais ses « pouvoirs »… Ceux qui cherchent à comprendre la nature du phénomène, à savoir vraiment de quoi il s’agit et qui « croient » réellement, au fond, ce sont ses parents. En opposant la secte, le gouvernement et la famille, je voulais précisément interroger la nature de la croyance, essayer de comprendre ce qui distingue une vraie religion d’un dogme vide.
Le genre, la foi, la relation père-fils… Comment amalgamer tout ça dans une structure harmonieuse ?
Quand j’écris un film je l’attaque toujours de la même manière. D’abord il y a le pitch, l’histoire et l’esthétique. Pour celui-là, j’avais besoin d’une note que je pouvais tenir sur la durée. Et j’ai pensé aux films de SF des années 80. Starman, Rencontre du 3ème type et E.T. Je les ai revu pour observer comment les couches narratives se fondent mais aussi comment ça passe par l’esthétique. Les couleurs, les éclairages, et un feeling général.
C’est votre film le plus gros. En terme de vision, mais aussi de budget. C’est une progression décidée ?
Oui. Enfin, j’essaye de ne pas rester à la même échelle, d’apprendre mon métier, d’embrasser un territoire artistique plus vaste. Mais le prochain film, Loving, est plus ramassé, ce qui veut sans doute dire que je suis en train de changer de philosophie. Au risque de sembler arrogant, j’ai toujours eu l’impression de faire des films épiques. On ne sait plus trop ce que ce terme veut dire, à l’ère de la CGI et des films Marvel. Pour moi ‘épique’ n’est pas synonyme de morceaux de bravoure dantesques mais de paysages émotionnels étendus. Même s’il est vrai que mes films n’ont fait que grossir jusqu’à présent.
Le passage chez Warner s'est fait naturellement ?
Je me souviendrai toujours de mon meeting chez Warner. Je leur ai dit que bosser pour ce studio était un rêve. Vraiment. Que j’avais grandi avec leurs films et que je voulais faire partie de ce groupe. Et puis j’ai rajouté deux conditions. J’ai expliqué aux executives que j’avais besoin de deux choses : le final cut et Michael Shannon. Et... Ils ont accepté (sourires)
Rendez-vous à Cannes pour Loving ?
Ce n’est pas moi qui décide. On verra bien.
Midnight Special de Jeff Nichols avec Michael Shannon, Joel Edgerton, Kirsten Dunst, Adam Driver sort en salles le 16 mars
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