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Saul Zaentz est décédé le 3 janvier à San Francisco. Si son nom ne vous dit rien, vous avez sûrement vu les films qu'il a produits. Zaentz -né dans le New Jersey en 1921 d'immigrés juifs- n'est pourtant venu que très tardivement au cinéma : joueur de cartes professionnel dans ses jeunes années, fou de musique, notamment de jazz, sa première carrière est de gérer les tournées d'artistes comme Stan Getz ou Duke Ellington. En 1955, il rejoint le label de jazz Fantasy Records qu'il achètera en 1967 et produira le groupe Creedence Clearwater Revival. Une association qui finira au tribunal à coups de procès entre Zaentz et le leader de Creedence John Fogerty, qui composera de nombreuses chansons pour dénoncer la cupidité de son ancien boss.Dans les années 70, il est dans la cinquantaine et tombe sur une représentation de la pièce Vol au-dessus d'un nid de coucou et décide de produire grâce aux profits de Fantasy une version cinéma en association avec Michael Douglas qui possédait les droits hérités de son père Kirk Douglas. La réalisation est confiée au tchèque Miloš Forman, et le rôle de Mac, interné dans un asile de fous, va comme un gant à Jack Nicholson. Résultat : carton au box-office, et razzia aux Oscars. Face à Barry Lyndon ou Un après-midi de chien, Le film remporte cinq trophées dont celui du meilleur acteur et du meilleur producteur, que Zaentz (qui a un caméo dans le film) partage avec Michael Douglas. A contrario, son film suivant, le western juvénile Three Warriors (1977), n'a pas de succès.En 1976, Zaentz achète les droits d'adaptation du Seigneur des Anneaux et du Hobbit de J.R.R. Tolkien (devenus des romans cultes grâce à la vague hippie). Il produit la version en dessin animé de 1978 réalisée par Ralph Bakshi, qui ne satisfait pas grand-monde. Mais Zaentz, à travers sa filiale Middle Earth Enterprises, détiendra les droits d'adaptation de Tolkien au cinéma jusqu'à sa mort : il fut impliqué dans les batailles juridiques et financières autour des versions cinéma du Seigneur des Anneaux, et attaqua New Line Cinema en 2007 pour avoir sa part des énormes bénéfices de la trilogie de Peter Jackson.C'est en 1984 qu'il obtiendra un nouveau triomphe au cinéma avec Amadeus. Encore une adaptation de pièce de théâtre réalisée par Miloš Forman, et ce biopic épique de Mozart remporte un énorme succès et huit Oscars (il y en a un pour le producteur). Zaentz n'a pas épargné sa peine pour livrer un film visuellement somptueux : il a notamment demandé au fournisseur de bougies du Vatican de lui fournir suffisamment de chandelles pour éclairer le film. Par contraste, deux ans plus tard, le faux film d'aventures Mosquito Coast de Peter Weir avec Harrison Ford est une réussite mais un gouffre financier. Mal compris, mal reçu, le film un gros échec. En 1988, il renoue avec un succès d'estime avec L'Insoutenable légèreté de l'être (deux nominations aux Oscars), adaptation de Milan Kundera (le script est signé Jean-Claude Carrière) et ménage à trois à Prague en 1968 avec Juliette Binoche et Daniel Day-Lewis (le film le plus sexy de tous les temps, d'après Entertainment Weekly à l'époque). En liberté dans les champs du Seigneur (1991), odyssée épique écrite par Carrière sur la conversion catholique des Indiens d'Amérique du Sud avec Tom Berenger, est un énorme flop. Au moins James Cameron le cite comme inspiration pour Avatar.En 1992, Zaentz tombe sur un manuscrit pas encore publié : Le Patient anglais de Michael Ondaatje. Il achète aussitôt les droits d'adaptation, et résiste aux gros studios qui veulent des acteurs plus bankables (Sean Connery, Demi Moore) dans cette fresque ambitieuse de guerre et d'amour. Zaentz et le réalisateur Anthony Minghella embauchent Ralph Fiennes, Kristin Scott-Thomas et une certaine Juliette Binoche. Au final, Le Patient anglais est un succès mondial, et récolte 9 Oscars notamment grâce à une intense campagne de lobbying de son distributeur américain Harvey Weinstein. Binoche obtient la statuette de la Meilleure actrice dans un second rôle, Zaentz obtient son troisième Oscar ainsi que le prix Irving B. Thalberg pour l'ensemble de sa carrière. Effectivement, le triomphe du Patient anglais sera son dernier. Il ne reviendra à la production que dix ans plus tard, en 2006, pour une ultime collaboration avec Miloš Forman et Jean-Claude Carrière. Les Fantômes de Goya, avec Javier Bardem dans le rôle du peintre espagnol et Natalie Portman dans celui de sa muse, n'obtint aucun succès -ni critique, ni public.Zaentz, mort à 92 ans, souffrait de la maladie d'Alzheimer depuis de nombreuses années. Il avait peut-être oublié l'une de ses phrases : "les studios sont comme des mouches. Ils bouffent du miel et de la merde avec le même enthousiasme." Ou peut-être pas.