De The Irishman à Don't Look Up, en passant par The Power of the Dog, Annihilation ou Malcolm & Marie, la filmographie de la plateforme commence à être solide.
En 2022, Netflix est devenu un média incontournable pour les cinéphiles. La plateforme de streaming enchaîne les longs-métrages de qualité et attire les plus grands réalisateurs de la planète (Scorsese, Fincher, les Coen, Bong Joon Ho et plus récemment Adam McKay, Paolo Sorrentino ou Jane Campion). Retour sur les 20 meilleurs films originaux Netflix. Attention pour les puristes : nous prenons ici en compte les films sortis uniquement sur la plateforme en France, même s'ils ont été distribués au cinéma dans d'autres pays. Par ailleurs, nous avons fait le choix de nous focaliser uniquement sur les fictions, les documentaires feront l'objet d'un classement à part.
Le Top 30 des meilleures séries originales Netflix20) THE HARDER THEY FALL (de Jeymes Samuel, 2021)
Pure fantaisie, ce western pop est d’abord une orgie de cinéma et la mise en scène de Samuel ne se refuse rien. Longs dialogues pulp, énorme scène de massacre ou de combats urbains, décors stupéfiants, arrêts sur images surstylisés, musiques démentes… Les acteurs, tous impeccablement designés (de Idris Elba à Regina King en passant par Lakeith Stanfield) sont exceptionnels. C’est amusant, cool, même si l’histoire finit par se dissoudre sous un maniérisme pop. A force de style, Jeysse Samuel finit par oublier quelque peu les vrais enjeux de son histoire shakespearienne.

19) SIX UNDERGROUND (de Michael Bay, 2019)
Une équipe de super-mercenaires essaye de débarrasser la planète de ses méchants dictateurs en faisant tout péter sur son passage… Le Mission : Impossible de Michael Bay est certes ponctué de vannes bas du front souvent lamentables, taillées sur mesure pour Ryan Reynolds par les scénaristes de Deadpool, mais comporte aussi les scènes d’action les plus généreuses et dingo de l’écurie Netflix, un festival de frime pyrotechnique et cartoonesque. Dans 6 Underground, Bay passe son temps à saccager des musées, à saloper des œuvres d’art et à assumer crânement son mauvais goût. Pas interdit d’y voir son manifeste auteuriste terminal. Son Irishman, ou Mank, à lui.

18) MINUIT DANS L'UNIVERS (de George Clooney, 2020)
Sans doute échaudé par l’accueil glacial réservé à Bienvenue à Suburbicon, George Clooney a décidé de quitter sa zone de confort avec ce blockbuster mêlant aventures spatiales et survival post-apo. Mais qu’il parle de la télé noir et blanc des fifties (Good Night and Good Luck), du combat contre le nazisme (Monuments Men) ou, comme ici, de l’état délétère de notre planète en 2049, George Clooney (le réalisateur) aspire toujours à la même chose : prendre le pouls de l’époque pour mieux délivrer un message d’espoir. Quant à George Clooney (l’acteur), les cheveux blanchis, le front soucieux, débarrassé de ses tics ironiques, il a rarement paru aussi habité.

17) KLAUS (de Sergio Pablos, 2019)
Pour ses premiers pas dans le cinéma d'animation, la plateforme de streaming a réussi une prouesse : remettre la 2D au cœur du débat, ce qu'aucun studio n'avait osé faire ces dernières années. Bien lui en a pris : nommé aux Oscars dans la foulée, le film du cinéaste espagnol Sergio Pablos - passé par Disney et Illumination - a fait rêver petits et grands abonnés, avec ce conte beau et bouleversant, sur les origines des lettres au Papa Noël. Une fantaisie rythmée, intelligente et empreinte d'une ravissante poésie.

16) MALCOLM & MARIE (de Sam Levinson, 2021)
Une ode à Zendaya. A son charisme. A son talent. A sa staritude. La star d'Euphoria retrouve son créateur, qui sgine en plein confinement un mélo minimal, pur objet de cinéma façonné autour (et à la gloire) de l'hallucinante Zendaya. . L’actrice née chez Disney explose dans un film taillé sur mesure. Elle joue avec un naturel, une candeur née de la confiance absolue qu’elle a placé en son metteur en scène. Sa beauté, son look, son aura, transcendent chaque mot prononcé. Elle se confie à la caméra, et par extension, s’offre à nous. Avec Zendaya, Levinson a trouvé une muse qui peut exprimer ses arrière-pensées en un geste.

15) LES SEPT DE CHICAGO (de Aaron Sorkin, 2020)
Scénariste oscarisé de The Social Network, auteur adulé de The West Wing, Sorkin n'est que rarement passé derrière la caméra et forcément, son deuxième long métrage (après Le Grand jeu en 2017) est un événement. Une merveille de film judiciaire, qui raconte l'Amérique contestataire des années 1960 sur fond de guerre du Vietnam. Dans un contexte socio-politique tendu comme jamais outre-Atlantique, ce procès des 7 de Chicago résonne formidablement dans l'air du temps, en s'appuyant des dialogues cinglants égrainés à la perfection par un casting au diapason.

14) DON'T LOOK UP - DÉNI COSMIQUE (de Adam McKay, 2021)
Le réalisateur de The Big Short et Vice poursuit son exploration du déclin de l’Empire américain. Vingt minutes de trop, mais une démonstration de farce qui parodie le réchauffement climatique avec une comète qui s'apprête à s'écraser sur la Terre et que la moitié de la population refuse de voir... De spécialistes courant les plateaux télé en quête de lumière, aux médias avides de spectaculaire, en passant par les complotistes en folie, des fake news à gogo et même une Présidente US en mode Trump … Ce film est un tourbillon à la fois irrésistible de drôlerie et confondant de justesse.

13) OKJA (de Bong Joon Ho, 2017)
Avant de conquérir la Croisette, Hollywood et le monde entier avec son Parasite, le cinéaste sud-coréen a fait un détour par le streaming pour signer l'un des premiers films originaux Netflix à faire sensation. Avec son cochon géant improbable et sa critique maline de la société de consommation, Okja est à la fois une œuvre insaisissable et engagée, percutante et presque enfantine. Un film qui dégage une douce étrangeté que ne renierait pas Miyazaki et qui a surtout permis au réseau de streaming de décrocher sa première sélection officielle en compétition au Festival de Cannes, non sans provoquer un certain tollé à l'époque.

12) LA BALLADE DE BUSTER SCRUGGS (de Joël et Ethan Coen, 2018)
Première n’avait pas rangé ce film des Coen parmi les réussites majeures des frangins. On ne va pas faire les malins en prétendant aujourd’hui le contraire même si cette ballade westernienne (décomposée en six chapitres) renferme en son sein une pépite : le segment 5, La fille qui fut sonnée, le grand drame romantique de leur filmo, un moyen métrage en apparence fordien à l’épreuve du nihilisme ironique et funèbre du projet dans son ensemble. On regrette qu’il n’ait pas débouché sur un long-métrage à part.

11) LE DIABLE TOUT LE TEMPS (de Antonio Campos, 2020)
Les USA d’après-guerre. Un prêcheur illuminé, un pasteur dépucelant de jeunes écolières, un shérif meurtrier et un couple de criminels itinérants… Et au milieu de ce freak show, un orphelin tente de fuir son destin écrit en lettre de sang. Antonio Campos adapte le roman de Donald Ray Pollock et se confronte à une question : corrompu par le fanatisme religieux et la sauvagerie, que lègue-t-on à nos fils sinon la violence aveugle ? Plus qu’une série de portraits de désaxés, Le Diable… est une quête de rédemption, portée par des stars à contre-emploi. Âmes sensibles s’abstenir.

10) THE FOREST OF LOVE (Sono Sion, 2019)
Alors qu’un serial killer rôde, deux ex-collégiennes sont mises à contribution par trois copains qui aimeraient bien que l’un des leurs perde sa virginité. Ces trois garçons sont également cinéastes en herbe et ils vont chercher à retrouver le tueur pendant que des flashbacks reviennent sur les premières amours (saphiques) des deux filles. Bienvenue dans l’univers trash et maboule de Sono Sion. Le cinéaste japonais tisse un autoportrait stupéfiant tout en multipliant les happenings avec pour objectif réduire de passer à la sulfateuse toutes les normes de la société japonaise. Bordélique, jouissif, stupéfiant : une expérience.

9) MANK (David Fincher, 2020)
Les grands films où Hollywood se regardent dans le blanc des yeux sont légions et invitent sinon à une falsification de l’histoire, du moins à une relecture forcément subjective. Après tout l’usine à rêves incite aux fantasmes. Fincher se paye ici la tronche de l’orge Orson Welles en le laissant (quasi) hors champ et place Mank - clown éthylique surdoué - au centre de la genèse de Citizen Kane. Il en résulte un film faussement binaire sur un esprit tourmenté marqué au fer rouge par ses blessures et ses humiliations passées. Une fois mis à l’écart du monde, l’homme, tel le Amadeus de Milos Forman composant son Requiem cloué au lit, façonne un Golem qui finira par lui ressembler un peu.

8) MARRIAGE STORY (de Noah Baumbach, 2019)
Le titre est trompeur : le film de Noah Baumbach est la chronique terrible d’un divorce où tous les coups sont permis entre les deux parties adverses, attisées par l’orgueil de leurs avocats. Car Marriage story dresse aussi le constat, cruel, de la judiciarisation de la société américaine, prête à avaler tout cru ses enfants qui ne rentrent pas dans les cases qu’on leur a assignées. Rien ne vaut le dialogue, même violent, comme dans LA scène du film où les deux ex-amants se disent leurs quatre vérités, retrouvant au passage une humanité dont la procédure les avait privés.

7) JE VEUX JUSTE EN FINIR (de Charlie Kaufman, 2020)
Pourquoi cette jeune femme a accepté d'affronter une tempête de neige pour rencontrer ses beaux-parents ? Pourquoi est-ce qu'ils changent de visage sans cesse ? Pourquoi ces inserts sur un homme de ménage dans un lycée ? Pourquoi les choses apparaissent et disparaissent ? Le dernier film de Charlie Kaufman prend l'autoroute perdue explorée par Lynch pour mieux nous perdre dans un tourbillon de sensations finalement moins obscures que lumineuses. Jamais un film au titre aussi sombre n'aura été aussi chaleureux.

6) ANNIHILATION (de Alex Garland, 2018)
Après son prodigieux Ex machina, Garland adapte très librement le roman Annihilation de Jeff VanderMeer. Il y est question d’une mystérieuse zone qui se propage le long des côtes américaines, dont aucun militaire envoyé en exploration ne semble revenir. Une biologiste (Natalie Portman, troublante) y trace sa route, en quête de réponses et de son mari disparu. Annihilation s’envisage comme un puzzle à grande échelle, trip sensoriel cauchemardesque qui renferme la scène horrifique la plus démente de ces dix dernières années. Un classique SF immédiat.

5) THE POWER OF THE DOG (de Jane Campion, 2021)
Jusqu'au bout, la réalisatrice de la Leçon de Piano, première femme sacrée à Cannes, a pensé pouvoir faire l'histoire aux Oscars, en offrant son western social la statuette de Meilleur Film à Netflix. Mais elle a été doublée sur la ligne par CODA. Qu'importe, en abandonnant ses dramas en costume pour arpenter Far West, Jane Campion signe un un mélo étrange d'une simplicité rustique déroutante, d'un classicisme tranquille épatant, dans lequel la cinéaste fait brûler le mal-être masculin. Par la seule puissance de ses cadres, de ses intuitions, Campion parvient à faire passer l'amour, la souffrance, la violence... Un western qui revisite parfaitement les thèmes qui innervent sa filmo.

4) ROMA (de Alfonso Cuarón, 2018)
Afonso Cuarón revient au Mexique pour une évocation de sa jeunesse dans le quartier de « Roma ». Tourné en noir et blanc et en scope, le film est une ode magnifique à l’alliance de deux femmes, Sofia la bourgeoise et Cleo, la domestique, autant qu’une tragédie sur la fatalité sociale. Récompensé par le Lion d’or au Festival de Venise et par l’oscar du meilleur réalisateur, son making of (Road to Roma) visible aussi sur la plateforme vaut le détour.

3) LA MAIN DE DIEU (de Paolo Sorrentino, 2021)
Un récit initiatique où le cinéaste italien se réinvente. Pendant plus de trente ans, Paolo Sorrentino fut plus qu’un style, une marque. Les mouvements de caméra virtuoses, un art tétanisant du montage, une pensée qui se déploie de manière hallucinatoire, et ce sens inouï du setting musical… En racontant son histoire, sa jeunesse napolitaine, le cinéaste du trompe-l’œil a décidé de se délester de toutes les marques distinctives de son cinéma. Sans effets de style, sans musique, sans cadrages chromés. Ses films faisaient la caricature d’hommes lucides. Il raconte ici une initiation, un déniaisement. Ses héros contemplaient leur vide existentiel, en se demandant où trouver le courage de s’y jeter pour disparaître.

2) UNCUT GEMS (de Benny et Josh Safdie, 2020)
En montrant ses souillures, la Big Apple n’a jamais paru aussi photogénique. Les frères Safdie revisitent le New-York interlope faisant feu de tout bois. La caméra mobile et excitée coince sans arrêt dans les cordes Adam Sandler qui résiste, esquive plus qu’il ne donne les coups. Uncut Gems sous ses allures de diamant oublié du Nouvel Hollywood, tient paradoxalement sa fraîcheur de son électricité foudroyante. On tombe, on se relève, on se fatigue, on se cogne et quand le héros prend enfin le temps de s’asseoir, c’est dans un placard à balais ! Un an après, on est toujours sonné.

1) THE IRISHMAN (de Martin Scorsese, 2019)
Alors que de nombreux cinéphiles soudain devenus experts en effets spéciaux se moquaient du rajeunissement plus ou moins foireux des visages de Robert de Niro et Joe Pesci à l’écran, Scorsese délivrait une fresque crépusculaire terriblement émouvante en conviant autour de la table les fantômes de son cinéma et de l’Amérique des fifties. Le nouveau venu, Al Pacino - permanente ad hoc - réveillait à lui seul les morts. Pourtant, c’est bien Hoffa qui finira sur le carreau lors d’une séquence qui restera dans les annales du cinéma. Le premier chef-d’œuvre 100 % Netflix.

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