A la suite de Valse avec Bachir, son documentaire autobiographique en animation, Ari Folman adapte Le Congrès, d’après un auteur de SF polonais. Pour illustrer cette satire de la société du spectacle et de la culture consommable, il utilise un mélange d’animation et de prises de vues réelles. Explication.
Pourquoi cette histoire aux antipodes de Valse avec Bachir ?
Je garde un bon souvenir de la réalisation de Valse avec Bachir, mais la tournée de promotion a été un cauchemar. Pendant 9 mois j’étais seul, donnant à peu près 800 interviews pour parler constamment de moi. J’avais envie de fuir le plus radicalement possible l’autobiographie, et j’ai trouvé un nouveau sujet dans la science-fiction.
A quel point êtes-vous fidèle au roman de Stanislas Lem?
Le Congrès de futurologie, dans lequel le gouvernement utilise les drogues psychotropes pour contrôler la population, est une allégorie de la dictature communiste polonaise dans les années 60. J’ai conservé l’essence du livre, qui traite de l’identité et du libre arbitre. Il en reste beaucoup dans la seconde partie du film, celle en animation, et certaines scènes sont transposées telles quelles. La première partie, en prises de vues réelles, je l’ai totalement inventée. L’idée m’est venue à Cannes il y a 5 ans en voyant dans une salle du marché du film, une vieille femme très maquillée. C’était une actrice américaine qui avait connu un immense succès dans les années 70, mais que plus personne ne reconnaissait. De là, j’ai développé l’idée d’acteurs qui vieillissent, mais dont les films entretiennent l’illusion qu’ils sont éternellement jeunes.
Vous proposez une vision très pessimiste du cinéma hollywoodien. Etes-vous nostalgique ?
Je ne dis pas c’était mieux avant, je dis que le métier de cinéaste a changé et qu’il demande peut-être des compétences différentes. Il fait davantage appel aux ordinateurs, moins aux relations humaines. La plus grande partie de mon travail consiste à gérer mon équipe et mes acteurs. Mais cet aspect-là est en train de mourir.
Alors que vous utilisez l’animation traditionnelle pour les séquences animées, vous filmez les prises de vues réelles en numérique. Pourquoi ?
Nous avons fait des tests en Allemagne en numérique et en argentique. Honnêtement, je n’ai pas vu de différence, donc nous avons tourné en numérique, parce que c’est plus simple. On peut filmer toute la journée, et même enregistrer les répétitions. Je ne vois pas pourquoi on s’en passerait. Quant à l’animation traditionnelle, c’est un choix esthétique. Je n’aime pas l’image de synthèse. Il y a de moins en moins d’animateurs encore capables de travailler à l’ancienne, mais ceux que j’ai rencontrés étaient tous demandeurs. Généralement, ils se sont tous reconvertis dans l’animation 3D. Soudain, ils avaient cette possibilité de collaborer sur un projet de longue haleine, de sortir de la télé, et ils ont adoré.
Interview Gérard Delorme
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