L’été venu les distributeurs ressortent des classiques à la pelle pour bronzer intelligent. Sélection.
Le Samouraï de Jean-Pierre Melville (1967), le 28 juin
Que dire de Delon-Costello, froid comme la mort qui l’attend au bout du chemin ? Le regard grave, les gestes mécaniques, l’allure magnifiquement spectrale. Le Samouraï, film noir iconique aux couleurs délavées, marque l’une des rencontres les plus intenses du cinéma (français ?) (tout court !) : Jean-Pierre Melville et Alain Delon. Le Samouraï est le premier volet d’un triptyque informel composé à sa suite du Cercle Rouge (1970) et d’Un flic (1972), trois polars melvilodeloniens, tristes à pleurer à la mise en scène précise où le temps étiré confine à l’abstraction. Le Samouraï c’est l’histoire de Jeff Costello, un tueur à gages solitaire, pourchassé par un commissaire entêté, qui veut comprendre pourquoi une femme, témoin de l’un de ses forfaits, cherche à le couvrir. La musique signée François de Roubaix est un bijou que vous pourrez réentendre à la Cinémathèque française où se déroule un hommage au compositeur jusqu’au 29 juin. Le film de Melville devenu culte continue d’influencer de nombreux cinéastes. C’était déjà le cas de John Woo (The Killer, 1989), Jim Jarmusch (Ghost Dog, la voix du samouraï de Jim Jarmusch, 1999) ou encore Johnnie To et son Vengeance (2009), avec Johnny Hallyday en Costello.
Astérix et Obélix, Mission Cléopâtre d’Alain Chabat (2002), le 5 juillet
Cette ressortie de ce chef d’œuvre de la comédie absurde, sorte de baroud d’honneur de ce que l’on a appelé jadis « l’esprit Canal », permet, entre autres, de se laver les yeux du récent et minable Astérix de Canet. Il permet surtout d’apprécier la façon dont Chabat, sans trahir l’esprit Uderzo-Goscinny, s’est réapproprié l’univers pour l’emmener vers des sommets de burlesque. Le couple Depardieu-Clavier (Obélix- Astérix) est complétement anesthésié par la vitalité dévastatrice de Jamel Debbouze, Edouard Baer, Dieudonné (quand il était encore fréquentable) et bien-sûr Gérard Darmon. Cléopâtre (Monica Bellucci) entend ici asseoir la suprématie de l’Egypte sur l’empire Romain et demande à un architecte d’édifier un palais en plein désert en seulement trois mois. « Trois mois ! Avec combien de temps de retard ? » demande fort à propos Numerobis-Debbouze. Tout est culte ici. En prime, une nouvelle bande-annonce signée Chabat himself et la place à 5 euros.
Vie privée de Louis Malle (1962), le 5 juillet
De tous les films de Louis Malle, c’est peut-être l’un des plus audacieux. Il suffit de voir les premières séquences avec sa succession de plans hachés où chaque point de montage est une transgression au langage cinématographique classique. Comme si filmer Brigitte Bardot en ce début des sixties, imposait de réapprendre à montrer, donc à voir. Le film est d’ailleurs une mise en abîme du phénomène B.B alors à son apogée. Brigitte est Jil, une jeune actrice adulée des foules qui, pour protéger son intimité, s’enferme dans un palais italien. Au dehors, son amant, Fabio (Marcello Mastroianni dans l’élan de La Dolce Vita), prépare une représentation théâtrale. Jil devient peu à peu une héroïne tragique, prisonnière de sa propre image et du vertige qu’elle promet. Vie Privée (1962) reste bizarrement un film peu vu. Sa restauration 4K par Gaumont fait donc évènement.
Francisca de Manoel de Oliveira (1981), le 12 juillet
Les cinéphiles doivent s’aventurer dans cette œuvre exigeante mais passionnante de Manoel de Oliveira, inspirée d’un épisode tragique de la vie d’un des plus importants écrivains portugais, Camilo Castelo-Branco (1825 - 1890). Ce dernier est le témoin d’un amour en perdition, celui de son ami José Augusto pour Fanny Owen. En « perdition » car la passion ne cesse d’être questionnée donc mise à mal. « Vous ne pouvez pas vivre que de sentiments ! » entend-on ici. Manoel de Oliveira filme cette fièvre comme une succession de petits théâtres où l’éloquence incite à une réflexion permanente, où le temps se retrouve prisonnier des contraintes du cadre et subit même par endroit des dédoublements (répétition du texte selon des axes différents) Ce qui émeut surtout dans ce Francisca est la richesse plastique de l’ensemble.
Melancholia de Lars von Trier (2011), le 21 juillet (grande rétro Trier)
Lars von Trier sera l’une des stars de l’été avec une rétrospective complète au Festival de la Rochelle, des reprises en salles (14 LM) et un coffret Blu-Ray à suivre. Comment faire le tri dans cette œuvre disparate et d’une richesse folle ? Peut-être en s’arrêtant sur l’une de ses œuvres maîtresses à la beauté tragique incomparable. Trop beau peut-être pour Trier lui-même qui décida de se s’aborder en plein raout cannois où Melancholia - puisque c’est d’elle dont il s’agit – visait l’or suprême. Alors que le danois exposait avec maestria la fin du monde, il décidait, en effet, dans un synchronisme déconcertant, de se faire hara-kiri le temps d’une conférence de presse cannoise lunaire (Hitler sympa tout ça…). Résultat, Melancholia qui aurait bien pu faire de l’ombre à The Tree of Life, palmé cette année-là, fut rétrogradé. C’est Kirsten Dunst qui profita des lauriers. Puisque le temps efface tout, il faut revoir Melancholia à l’abri de sa mise sur orbite chaotique et admirer sa grâce infinie.
Virgin Suicides de Sofia Coppola (1999), le 12 juillet
Le premier - et meilleur ! - long métrage de Sofia Coppola a vingt-quatre ans. Le voici désormais plus âgé que ses protagonistes, les tragiques sœurs Lisbon emmenées par la nymphette Kristen Dunst, 17 ans à l'époque des faits. Virgin Suicides est adapté d'un roman culte de Jeffrey Eugenides paru en 1995. L'auteur ne s'était pas privé d'encenser le travail de Sofia C.: " De toutes les adaptations, celle de Sofia était la mieux construite. Je pense qu'elle est plus intriguée par l'histoire des filles proprement dite que par le point de vue des garçons, ce qui donne ainsi des nuances différentes à l'histoire. En écrivant le roman, j'étais davantage concerné par les filles et Sofia l'a très bien compris." Résultat, une « fille de. » derrière la caméra, Ed Lachman à la photo, Air à la musique et un petit miracle éthéré qui ressort cet été en 4K.
Persepolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud (2007), le 26 juillet
Persepolis, Grand Prix du Festival de Cannes en 2007 et césarisé dans la foulée, ressort en 4K. Dans cette adaptation de son propre roman graphique, Marjane Satrapi épaulé par Vincent Paronnaud, se penchait sur sa propre enfance en Iran à la fin des seventies, alors que la révolution allait faire tomber le régime du Shah et installer la République islamique. Une "République" faite d'interdictions et d'oppressions qui obligeront les parents de la petite fille à quitter leur pays. Beauté du dessin, intelligence de scénario..., Persepolis est un magnifique film d'aventure autant qu'un plaidoyer pour la liberté. Il avait totalisé à sa sortie près de 2 millions de spectateurs.
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