Paul Verhoven : "Starship Troopers est le troisième volet d'une trilogie commencée avec RoboCop et Total Recall"
Fox/TriStar

Arte poursuit son cycle consacré à Paul Verhoven.

Quelques jours après RoboCop, place à Starship Troopers, sur Arte. Et le documentaire dédié à son metteur en scène, Paul Verhoeven, cinéaste de la provocation, est toujours visible en replay gratuitement sur le site de la chaîne.
 

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Ce film de SF a reçu un accueil mitigé à sa sortie, certains critiques et spectateurs ne comprenant pas son second degré omniprésent. "Avec Starship Troopers, je passais pour un néonazi, avec Showgirls, pour un lubrique. L'incompréhension totale", commentait le cinéaste des années plus tard dans Première, au moment de la sortie de Benedetta

En février 1998, il défendait déjà sa vision dans notre magazine, auprès de Christian Jauberty. Voici quelques extraits de ce long entretien pour patienter jusqu'à la rediffusion de ce film de guerre exagérément violent.


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A propos de ses liens avec son précédent film, Showgirls : "Starship Troopers est plutôt le troisième volet d'une trilogie commencée avec RoboCop et Total Recall. J'y travaillais déjà quand Showgirls est sorti. Ed Neumeier (le scénariste de RoboCop et de Starship Troopers, mais pas de l'adaptation du livre de Philip K. Dick, qui est signée Ronald Shusett, Dan O'Bannon et Gary Goldman, ndlr) m'avait parlé du projet (...) qui m'a intéressé aussi car je savais qu'il allait me permettre de retravailler avec Phil Tippett (spécialiste des effets spéciaux), qui avait collaboré à RoboCop."

A propos de la société "crypto-fasciste" décrite dans le film et dans le livre de Robert Heinlein, dont s'inspire -assez librement- Starship Troopers : "Le futur décrit dans le film prend certainement en compte, en l'exagérant, la dérive de tendances fascisantes qui existent aujourd'hui en Amérique : la prolifération des armes, la volonté d'accélérer les procédures conduisant à l'exécution des condamnés à mort, le recours aux forces armées pour résoudre les problèmes internationaux... Mais il n'a jamais été dans mon intention de donner des leçons à qui que ce soit ou de faire des sermons."

A propos de la censure subie par la MPAA (Motion Picture Association of America) : "(Ils ont coupé) trois secondes à peine. Quelques images de décapitation et de mutilation en gros plan. Mais ça n'a rien à voir avec les batailles que j'ai dû livrer pour RoboCop ou Basic Instinct. Tout s'est passé en douceur. Peut-être la MPAA a-t-elle aimé le film... Il est clair qu'elle est plus tolérante à l'égard de la violence que de la nudité et du sexe, ce qui reflète d'ailleurs assez bien la mentalité d'un pays où, à cause de l'influence de divers groupes de pression, notamment religieux, il n'y a toujours pas à la télévision de publicités pour l'usage des préservatifs."

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TriStar Pictures

A propos du choix des ennemis (des aliens-insectes géants) : "(C'est pratique car) il est politiquement correct de les tuer. (...) A cause de la mauvaise conscience qui est liée à la guerre du Vietnam, il nous fallait un ennemi qu'on considère comme foncièrement mauvais et qu'on accepte de voir détruire. (...) Nous avions décidé, Phil Tippett et moi, que les insectes seraient des personnages à part entière, pas seulement des bêtes animées. Nous n'avons jamais été débordés par l'importance des effets spéciaux."

A propos de la fin ouverte, qui appelle une suite : "Nous l'avons toujours envisagée ainsi, même sans qu'il soit question d'une suite. Dans notre esprit, à ce point du récit, la guerre n'est pas finie. (...) Pour la première fois, j'aimerais bien la réaliser. Parce que je pense qu'avec les mois de travail que nous avons fourni sur ce film, nous avons établi un cadre au sein duquel il reste de nombreuses directions à explorer. (...) Je ne vais certainement pas me lancer immédiatement dans une suite, ce serait une erreur. Je suis trop fatigué. Il faut laisser un peu de temps. (...) Sinon, je ne sais pas. Je préférerais faire un film avec plus d'acteurs et moins d'effets spéciaux afin de pouvoir travailler en profondeur sur les personnages et leur psychologie, quelque chose de plus européen."

 

Finalement, le flop de Starship Troopers au box-office aura décidé pour lui : TriStar n'a pas annoncé de suite immédiatement puisqu'il n'a récolté que 121 millions de dollars dans le monde pour 105 de budget, sans compter sa publicité. Il n'est pas rentré dans ses frais avant sa diffusion en DVD et blu-ray. Côté critiques, il a en revanche été réhabilité au fil du temps, comme Showgirls. Première ne s'y était pas trompé : le désamour de Starship Troopers à sa sortie relevait surtout d'un énorme malentendu.

Notez qu'il existe bien deux séquelles du film, réalisées par Phil Tippett et par Edward Neumeier, mais elles sont sorties plus tard (en 2004 et 2008), et ont été distribuées par Columbia et Sony. A ce moment-là, Paul Verhoeven était revenu en Europe pour y tourner Black Book (2006), puis il est resté pour filmer Tricked (2012), Elle (2016) et Benedetta (2021).

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