Un embouteillage sur une autoroute, un père et un fils qui s’engueulent, et soudain les monstres apparaissent. Que cache l’impressionnant début du Règne animal ? Réponse avec le cinéaste.
Un père et son fils sont en voiture. La tension, les reproches, le gamin qui regarde par la fenêtre et qui soupire. Le père qui tente par tous les moyens de gagner son attention. Et l'engueulade... La mère est absente et c’est elle qui est au cœur de la discussion. Ca s’enlise et on est bientôt au point mort. Comme la bagnole : l’autoroute est coincée par un embouteillage. Quand, brusquement, des coups retentissent. Quelque chose ou quelqu’un tambourine à la porte de l’ambulance bloquée à quelques mètres. Les portes s’ouvrent. Une ombre s’échappe. Ce qui s’enfuit est une créature mi-homme mi-oiseau aux énormes ailes. Sa présence sème le chaos dans les rangées d’automobilistes quelques minutes. Pas plus. Et très vite tout rentre dans l’ordre. Cette étrangeté ne l’est que pour nous. Dans le monde du film qui commence ce phénomène s’est déjà produit… Le Règne animal est entièrement contenu dans cette ouverture stupéfiante. C’est pour cela qu’on a demandé à Thomas Cailley comment était née cette idée, ce qu’elle signifiait pour lui et aussi… pourquoi commencer un film aussi dynamique et toujours en mouvement dans un embouteillage ?
« Une des premières idées qu’on a eu sur ce film, une des idées matrices au fond, c’est qu’on ne voulait pas se retrouver dans la panique du patient zéro. Il fallait à tout prix éviter de traiter la première mutation. C’était un piège : si on faisait sortir le premier monstre, alors, tout le film allait cavaler après ça. On risquait de se retrouver prisonnier du genre, du thriller. Et Le Règne animal deviendrait une course ; on serait obligé de courir derrière des monstres pendant tout le film. A contrario, Je tenais à ce que le film ait cette dimension intime, je voulais raconter dans le temps cette mutation et cette relation père fils. J'avais envie qu'on puisse s’installer avec les personnages ; que ce soient les personnages qui passent au premier rang, pas le genre. D’ailleurs, quand on me demande de définir le genre du film, je dis que c’est un film de personnages.
Thomas Cailley : "J'ai l'impression que le public s'est emparé du Règne animal"On a donc décidé assez tôt de raconter l’histoire un an ou deux ans après le début des premières mutations. Les questions que cela posait (« c’est là, donc qu’est-ce qu’on fait avec ? ») étaient plus intéressantes que les simples problématiques de survie et de genre pur. Tout de suite après, l’autre question cruciale s'est imposée à nous : comment montrer ça ? Comme montrer un monde qui a déjà basculé ? C’est l’ambition de cette ouverture. On a commencé l'écriture pendant l'été 2019, et on a finalisé cette séquence fin novembre, début décembre. Je me souviens très bien qu’en l’écrivant je sentais qu’on tenait le film. Sur le plan du ton et des registres, c'était vraiment la scène qu'il nous fallait parce qu’elle combine toutes les intentions du film. On démarre dans l'intime dans la voiture, et on termine par ce plan spectaculaire avec la sortie du monstre. On est à la fois dans des choses très réalistes mais avec un élément de fantastique ; il y a de la comédie, du drame…tout est là.
Enfin, ça me semblait intéressant de commencer avec deux personnages bloqués dans une carcasse de métal, au milieu d'un sarcophage de béton, en plein embouteillage. Tout est pollué, il y a le bruit des klaxons, le stress…. Et le film se terminera à l'opposé de ça. L’embouteillage raconte ce monde à l’arrêt. C’est une société qui attend d'être revitalisée. Ca aussi, c’était une idée du film que je voulais tout de suite évoquer : on est au point mort, et pour s’en sortir, il va falloir accueillir d'autres manières d'être vivants. »
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