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Une crise a fait vaciller Hollywood. Le malaise dans le monde des effets spéciaux s'intensifie. Au centre de la tornade, Rythm & Hues. Fin février, la société qui recevait un Oscar pour son travail sur L'odyssée de Pi n'était pas sûre qu'elle aurait encore une étagère pour déposer sa statuette à la fin du mois. La société était en effet au bord de la banqueroute, suite au retrait d'une offre d'achat par la compagnie indienne Prime Focus. Toute l'industrie était au courant de cette situation, mais c'est seulement lorsque le micro de Bill Westhofer, un des superviseurs de Rythm & Hues, fut coupé que les langues commencèrent à se délier. La filière hollywoodienne des effets spéciaux allait mal. Très mal.Et les choses ne sont pas arrangées : un comité de créanciers de Rythm & Hues évoquait publiquement mi-mars la possibilité d'une liquidation définitive. L’annonce avait mis en rogne la 20th Century Fox et Universal. Les deux studios avaient décidé depuis la cérémonie des Oscars de mettre la main à la poche et de prêter à la société 17 millions de dollars. Derrière cette générosité atypique, on pouvait supposer qu'il y avait aussi (surtout) des inquiétudes concernant la finition en temps et en heures des blockbusters estivaux. Rythm & Hues devait en effet terminer les effets de Percy Jackson : La mer des monstres - un film Fox censé sortir en salles américaines le 16 août - ou R.I.P.D - une production Universal annoncée sur les écrans de certains pays dès la mi-juin. D'autres studios commençaient aussi à se ronger les ongles, de Legendary Pictures (300 : rise of an empire) à LionsGate. En cas de liquidation de Rythm & Hues, Hunger games : L'embrasement, l'un des plus gros films de la fin d'année aurait pu souffrir. Le conflit s'était très vite envenimé : Fox avait clairement pointé du doigt Warner Bros. Ce rival fait partie du comité des débiteurs de R&H, et aurait pu gagner gros si la fermeture définitive de Rythm & Hues avait été entérinée. Pas tant en terme d'argent que de concurrence puisque les blockbusters en cours de finition seraient restés inachevés.Tout a failli se calmer avec l'entrée en piste de JS Communications. Cette société sud-coréenne s'est dite prête à racheter Rythm & Hues, avec l'assentiment des tribunaux américains concernés. David Shim, son chargé d'affaires se disait même confiant dans une interview à Variety : « Il faut prendre soin de Rythm & Hues. C'est dans l'intérêt commun de l'industrie du cinéma de soutenir son savoir-faire qui peut la faire avancer. Il y a quelque chose qui cloche quand une société est si douée mais qu'elle est en banqueroute ». Tout en rajoutant néanmoins qu'il « y a eu quelques manquements dans la gestion financière de la société ».Nouveau coup de théâtre le 22 mars, JS Communication retirait son offre suite à l'échec de négociations avec Fox et Universal. Les deux studios auraient refusé de garantir au potentiel acquéreur des commandes pour un montant de 60 millions de dollars sur trois ans. L'horloge tournait de plus en plus vite pour Rythm & Hues. Et il y a quelques jours, le juge Neil Bason disait avoir reçu quatre propositions, émanant de Prana animation, Psyop, Rocket Science 3D et... Prime Focus. A ce stade, la compagnie pourrait logiquement utiliser un moyen de pression et baisser sa proposition initiale...Paradoxalement, l'activité de Rythm & Hues est à son plus haut. Les structures indiennes, malaisiennes sont en surcharge de travail, tandis qu'un nouveau studio vient d'ouvrir à Taiwan et recrute deux cents techniciens et informaticiens. Fort heureusement, la vente de Rythm & Hues a été avalisée ce dimanche 31 mars. Prana Studio, société américaine travaillant aujourd'hui essentiellement pour des studios américains et indiens (c’est chez eux que viennent d'être conçus les effets de Planes, le spin-off de Cars) a donc évité la faillite du studio de SFX. Reste que cette crise a mis en lumière cette branche de l’industrie et a peut-être provoqué un séisme dont l’onde de choc n’est pas prête de s’arrêter. L'appel à la création d'un syndicat (aussi incroyable que cela puisse paraître, vu la puisssance de ces organisations à Hollywood) regroupant toute l'industrie des effets spéciaux pourrait aboutir rapidement, et changer la donne dans les négociations avec les studios. The Show must go on !Alex Masson