Auteur dramaturge et poète, Nikolaï Erdman est une référence de la littérature russe de l’époque stalinienne. C’est un écrivain engagé dans une Russie caractérisée par la répression de toutes formes de libertés d’expression. Son œuvre met en exergue la virulence de sa critique politique. Il utilise le registre comique pour dénoncer les vices du régime totalitaire et pour faire passer son message humaniste. Nikolaï Erdman est né le 16 novembre 1900 à Moscou.Il s’intéresse très tôt à la littérature, plus particulièrement, à la poésie. Dès l’âge de dix huit ans, en 1918, il intègre le groupe avant-gardiste des imaginistes. Il s’agit d’une école poétique russe qui valorise l’écriture imagée, souvent au détriment du sens. C’est à cette époque qu’il publie ses premiers poèmes et forge sa plume. Puis, en 1922, il se met au service du théâtre. Deux ans plus tard, il achève la rédaction de sa première pièce. Il présente le texte de l’œuvre Le Mandat aux acteurs du metteur en scène Vsevolod Emilevitch Meyerhold. C’est une œuvre qui démontre la lucidité et la pertinence du jeune auteur. Le Mandat parle de deux familles d’anciens tsaristes qui souhaitent le renversement de l’empire soviétique, pour la restauration de l’Empire Russe. Le 20 avril 1925, la pièce est interprétée pour la première fois. Le succès de la représentation est immédiat. La pièce sera représentée près de 350 fois. Elle fait le tour de l’Union Soviétique. Erdman, en pleine apogée artistique, commence à rédiger une seconde œuvre théâtrale.En 1928, le système politique soviétique subit d’importants changements. C’est cette année que Nikolaï Erdman décide de donner sa seconde pièce, enfin achevée, à Meyerhold. C’est une tragi-comédie intitulée Le Suicidé. Le metteur en scène Constantin Stanislavski est intéressé par cette œuvre. Il fait alors une demande au petit père du peuple, Staline, pour avoir la permission de la faire interpréter. Ce dernier fait d’abord mine de ne pas être contre le théâtre d’expérimentation. Il donne ainsi son accord à la représentation du spectacle. Néanmoins, selon lui, la pièce est « vide et même nuisible ». Cependant, en 1930, Le Mandat coïncide avec l’instauration du régime totalitaire stalinien. La pièce est ainsi retirée de l’affiche. Puis, en octobre 1932, la pièce Le suicidé est, à son tour censurée par le parti en place. Cela arrive alors que les comédiens de Stanislavski venaient de passer 18 mois de répétitions. En 1933, Nikolai Erdman écrit un petit poème critique sur Staline. Suite à cet affront, il est arrêté. Il est alors exilé de son pays natal. Staline le fait interner dans un camp de travaux forcés en Sibérie, pendant trois ans. Plus tard, lorsqu’il revient de son exil en Sibérie, Erdman calme ses ardeurs contre la politique et opte pour la résignation. Sa difficile expérience de prisonnier a tué son obstination. C’est au sortir de la guerre, qu’il est enfin autorisé à rentrer à Moscou.En novembre 1956, suite au déclin du système stalinien, la pièce Le Mandat est de nouveau jouée. En 1964, Nikolaï Erdman devient consultant au théâtre de la Taganka à Moscou. Dès lors, cette salle rassemble de plus en plus de spectateurs. Elle est qualifiée comme un lieu intrinsèquement politique, au vu de sa popularité. Nikolaï Erdman y exerce sous la direction de Louri Lioubimov. Mais il a définitivement retiré sa veste de dramaturge.Erdman passe alors par l’Allemagne, puis se retrouve en Italie. Dès lors, il se lance dans une carrière de scénariste pour le cinéma. Il travaille ainsi avec des réalisateurs comme son compatriote russe Boris Barnet. Puis, il met son talent d’écrivain au service du cirque. Parallèlement, il fait quelques adaptations pour le théâtre. Nikolaï Erdman décède le 10 août 1970. Plus tard, en 1982, sa pièce Le suicidé reprend vie et peut enfin être présentée au public.