Première
par Frédéric Foubert
Absent de la Croisette, l'ermite suisse mégalomane JLG fait son "adieu au langage" dans un film-essai d'1h10 en 3D, agressif et crépusculaire, où il prend congé de tout - du monde, des hommes, du cinéma.
« Godard foreveeer !!! » hurle un fan en surchauffe quand s’ouvre le rideau, déclenchant une salve d’applaudissements qui fait ressembler le Grand Théâtre Lumière à un stade au moment du coup d’envoi. Un peu perdu au milieu de la foule des fidèles, on n’a pas spécialement envie de faire la hola, même si on sait très bien pourquoi on est là : on vient prendre des nouvelles de JLG parce qu’on aimerait savoir pourquoi il est si triste alors qu’il a parfois été si drôle, et que ça permet de remplir les blancs en attendant l’édition augmentée de la super bio signée Antoine De Baecque.
« Il est où, l’ogre ? », demande un monsieur sur un banc au début du film. L’ogre boude en Suisse, on le sait, mais il est aussi dans chaque repli d’Adieu au langage, invitant à en lire tous les dialogues à l’aune de sa propre légende – « Je cherche la pauvreté dans le langage », « Je déteste les personnages », « Il faut que je tienne jusqu’à la fin » (nous aussi, d’ailleurs). Et alors, comment il va ? Mal. Très mal. Plus misanthrope que jamais, rabâchant des antiennes réac d’un autre siècle (télévision = nazisme, same old story), ouvertement agressif (la 3D qui fait loucher), bilieux (« la pensée retrouve sa place dans le caca », aphorisme nul ponctué par un prout qui a fait un triomphe), esseulé au point de ne plus se reconnaître que dans son chien Roxy, le seul qu’il sait filmer, comme il sait encore, à l’occasion, faire un joli mash-up de ses films chéris. Les hommes disparaissent du cadre, Roxy part sur les chemins, la pensée ne fait plus sens, Godard nous hait. A la fin, il n’y a plus rien – juste un peu de mépris.