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Ancien assistant de Chéreau et de Pialat puis documentariste pendant quinze ans, Emmanuel Hamon n’est pas le premier venu comme en témoigne la maîtrise formelle d’Exfiltrés, étouffante immersion dans les mondes opaques de la radicalisation, de l’espionnage et de la géopolitique. Sans gros moyens (sinon, on l’aurait volontiers comparé à du Greengrass), Hamon parvient à rendre tangible une réalité d’autant plus troublante que sa proximité pour nous, spectateurs français, est grande. Cet homme, simple infirmier, dont l’épouse est partie en Syrie avec leur fils pour rejoindre Daech, cela pourrait être un ami, un voisin, une connaissance. Cette jeune femme radicalisée (et les Français qu’elle retrouve à Rakka), c’est la défaite de l’universalisme républicain, de ses valeurs et de son devoir d’intégration. Cette mission de secours qui se met en place pour exfiltrer la repentie (qui prend brutalement conscience de la mise en danger de son fils), c’est le refus de l’intimidation et du fatalisme réunissant des personnes et des sensibilités de tous bords. Exfiltrés est un joli film de résilience collective, une histoire incroyablement vraie qui s’incarne dans des portraits d’une rare justesse : le mari déçu mais combatif, la femme idéaliste mais pas illuminée, le chirurgien chef surinvesti dans le combat de son subalterne, les jeunes hommes de terrain (le fils du chirurgien et un résistant syrien) réunis par leur humanité commune... Infiltrez-vous en salles, c’est sans risques.