Première
par François Léger
Qu’est-ce qu’une bonne comédie romantique ? La question est devenue épineuse depuis que #MeToo a rebattu toutes les cartes, forçant le genre à se moderniser et à réactualiser son (ses) point(s) de vue, sous peine de se ringardiser. Demeure tout de même une quasi constante : le duo d’amoureux en devenir, qui vont se renifler, se détester, s’apprivoiser et finalement s’aimer. Une formule qui ne peut réellement fonctionner qu’à travers un regard de cinéaste, un ton particulier qui chercherait à faire bouger les lignes. Soit précisément ce que réussit L’Amour c’est surcoté, premier long-métrage de Mourad Winter qui adapte ici son propre roman éponyme, joli succès de librairie au rayon marrade.
Un cheminement de gentil loser, Anis (Hakim Jemili, immédiatement attachant), dragueur nul, tétanisé par sa peur de l’engagement et les constantes injonctions au coït de ses potes. Il tombe pourtant raide dingue de Madeleine (Laura Felpin, hilarante séductrice), solaire et solide, préposée au vestiaire d’une boîte où Anis tentait d’oublier le décès de son meilleur ami, survenu trois ans auparavant. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est que la jeune femme va le forcer à se confronter à ce blocage émotionnel qui régit sa vie en sous-main.
Repartie avec la Mention spéciale du jury au Festival de l’Alpe d’Huez (on aurait espéré un prix un peu plus costaud), L’Amour c’est surcoté est une comédie romantique comme on en voit peu, à l’affût de l'émotion (le trauma d’Anis, âme à réparer, sert de fil rouge) mais multipliant les vannes piquantes à un rythme pas croyable. Il y a là-dedans une précision chirurgicale du dialogue et un oeil, un vrai, celui du chef opérateur André Chemetoff (Dog Pound, Le Monde est à toi, Omar la fraise...), qui donne au film des airs d'épopée urbaine. Cette ambition formelle traverse une histoire peuplée de second rôles impayables (Benjamin Tranié, pote intarissable sur les vannes racistes ; François Damiens en beau-père surprotecteur…), autour desquels règnent Jemili et Felpin, évident couple de cinéma. Qu’est-ce qu’une bonne comédie romantique ? Sûrement un film où l’on pleure (un peu), on rit (beaucoup) et on aime (à la folie).