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"L’amour est précieux et le temps un voleur", nous dit "Speak Low", l’entêtante ballade de Kurt Weill qui diffuse sa chaleur jazzy dans les angles raides de ce film glaçant. Comment retrouver ce qui a été volé, détruit par l’Holocauste ? L’héroïne a tout perdu dans les camps : sa ville, son amour et son identité. Il s’agit pour elle de renaître de ses cendres tel le phoenix du titre. De tout reconstruire, ou, à défaut, de "reconstituer" le passé, comme on reconstitue une scène de crime, tout en sachant que c’est factice, avec la vérité en ligne de mire. C’est un film d’espionnage : Nelly (troublante Nina Hoss, l’actrice fétiche de Petzold) infiltre sa propre vie, à la manière d’un agent secret, afin de découvrir si son mari l’a trahie. Mais c’est aussi un mélodrame hitchcockien. Comme dans "Sueurs froides", un homme cherche à redonner vie à une morte par le travestissement d’une femme qui l’aime. Les deux regards ne coïncidant désormais que dans le mensonge, c’est toute la tragédie de cet ex-couple dont la greffe, monstrueuse, ne prend pas. À l’instar de son héroïne tout droit sortie des Yeux sans visage de Franju, le réalisateur allemand traque la lumière dans l’obscurité, la beauté dans l’abjection. Son cauchemar domestique a la flamboyance plastique d’une oeuvre de Fassbinder. Ses plans ultracomposés façonnent le cadre étouffant d’un poignant portrait de femme en quête d’horizon.
Toutes les critiques de Phoenix
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Le vertigineux et dérangeant drame intime d'un être retranché par la violence qui l'entoure dans les abymes de sa dualité et de ses troubles les plus enfouis.
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Petzold reforme le couple de "Barbara" pour un "Vertigo" après Auschwitz en donnant le rôle moteur au personnage féminin. Brillant et mieux encore.
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Commençant sur fond de jazz enfumé, le film semble emprunter le chemin du film noir lorgnant vers le film d’horreur avec quelques scènes qui évoquent "les Yeux sans visage" de Georges Franju, prend ensuite des allures de film historique pour enfin basculer dans le mélodrame qui donne finalement au film sa tonalité majeure.
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Dans le huis clos de la cave insalubre qui sert d'appartement à Johannes débute alors une relecture vertigineuse du mythe de Pygmalion. (...) Pour porter ce suspense sentimental troublant, Petzold a repris le formidable duo de "Barbara", son précédent (et déjà superbe) film.
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La mise en scène de Petzold, claire et précise, utilise les outils de la reconstitution historique sans y attacher une importance excessive. On voit brièvement les ruines, il n’y a pas de flash-back sur la déportation (juste un rêve, à la limite de l’abstraction), le reste du monde (les militaires alliés, les civils allemands) est tout juste suggéré.
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Peu importe les imperfections du scénario. Nina Hoss et Ronald Zehrfeld nous embarquent dans ce mélodrame aux atmosphères de film noir. Une affaire très secrète d'ombre et de lumière.
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Un mélodrame puissant, poignant, dérangeant, où il est question d'amour fou, d'identité perdue, de trahison, mais aussi quelque part d'espoir. On ne sort pas tout à fait indemne de ce film réalisé avec beaucoup de sobriété.
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"Phoenix" tient moins de la fiction costumée que d’une revisitation de représentations historiques et de mythologies, qui mouline et redéploie avec grâce figures et décors puisés dans l’imaginaire cinéphile - tel ce beuglant façon "Cabaret", de Bob Fosse, emblème de l’avant-guerre pourrissant, ici réarpenté dans un climat diffus d’irréalité.
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Le scénario de "Phoenix" pourrait rebuter par sa pesanteur historique et son apparente invraisemblance, mais ce serait compter sans le talent de metteur en scène de Christian Petzold et le jeu subtil de Nina Hoss.
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Il y a une part de fantastique dans ce scénario qui évoque "Les Yeux sans visage" de Franju et "Vertigo" d'Hitchcock, une part de mélo aussi qui rappelle Douglas Sirk.
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Troublant exercice de reconditionnement qui est, au-delà du sujet et de ses métaphores, une tentative presque désespérée de réinsuffler de la magie romanesque dans le cinéma, contaminé par le réel et les médias.
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C'est bien filmé et joué au cordeau par sa complice Nina Hoss, l'ambiance de l'Allemagne d'après guerre fait froid dans le dos, mais le scénario, qui emprunte aux codes du thriller psychologique, manque de tiroirs et de trompe-l'oeil. Au bout d'un quart d'heure, le dénouement ne laisse plus aucun doute. Ce qui n'enlève en rien l'intérêt de l'histoire.
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Pétri de références à Hitchcock et au film noir dans une lumière chaude, ce roman d'amour infiniment triste et audacieux entre fiction et réalisme, a été tourné en quasi huis clos avec seulement trois personnages dans une poignée de décors mémorables. Au-delà de toute vraisemblance, il impressionne par la force et la singularité de son suspense, servi par des acteurs et une mise en scène au cordeau.
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Si l’histoire nous interpelle dès le départ, un élément vient troubler nos bonnes intentions. En effet, difficile de croire que le fameux Johnny ne reconnaisse pas sa propre femme même défigurée. Le récit manque donc de crédibilité et le spectateur a du mal à y entrer complètement.