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2022 : Scream est de retour. Manquait plus que lui, diront les grincheux. "Tous les dix ans, des tarés mettent le masque de Ghosftace et tuent des gens", explique, un rien blasée, Sam, l'héroïne du nouveau Scream, le cinquième de la franchise (qu’il ne faut surtout pas, à l’instar d’Halloween de 2018, doter d’un numéro) et le premier depuis la mort en 2015 de Wes Craven. Le nouveau Scream des années 2020 veut relever de sacrés défis, dignes de la relance de Star Wars en 2015 : rendre hommage à la vénérable saga, relancer la franchise pour la nouvelle génération, et être un grand film d'horreur d'auteur en se frottant au genre de l'evelated horror... Ghostface est donc de retour, massacrant l'entourage de la jeune Sam et marchant dans les traces sanglantes des tueurs précédents et jouant un jeu dangereux avec l'héritage des survivants de la saga. Au menu, jump scares, coups de schlass et longs commentaires méta sur l'état du cinéma d'horreur et de la nécessité de rebooter les vieilles franchises à l'ère du streaming et de l'elevated horror.
Il y a définitivement un gros malentendu sur l’emploi du terme evelated horror, qui désignerait les films d’horreur récents et intelligents, dont le champion est Jordan Peele avec son Get Out. Des films d’horreur, qui seraient à la fois intelligents, divertissants et populaires, et dont l’apparition serait très récente -dans les années 2010 au plus tôt. Comme si Les Dents de la mer, L’Exorciste ou Shining n’avaient jamais existé (et on pourrait même remonter aux origines : Murnau, Browning, Whale...). Donc, le nouveau Scream veut, à l’airde de son discours méta habituel, affirmer qu’il est toujours pertinent à l’ère de cette elevated horror fantasmée. A défaut, le film veut être de son temps, et justifier de son existence auprès des millenials qui seraient beaucoup plus exigeants en termes de cinéma d’horreur que le public précédent. Mais contrairement au Scream 4 de 2012 (très rigolo et très malin, dans notre souvenir), le nouveau Scream ne propose pas beaucoup d’idées de cinéma réellement excitantes -encore moins un espace de cinéma intéressant. Le Michael Myers du Halloween de 2018 retrouvait sa dimension terrifiante -et le film de trouver une légitimité de cinéma- en traçant une trajectoire de carnage toute neuve (et réjouissante, à vrai dire). Scream cru 2022 veut interroger un espace extérieur à lui-même, le paysage industriel des reboots, requels et legacyquels des vénérables franchises dans un Hollywood non pas en manque cruel d’idées comme on le pense souvent mais dans un véritable état de terreur catatonique face à la moindre nouveauté. L’industrie préfère (re)lancer des "propriétés intellectuelles", les fameuses IP déjà dotées d'une fanbase : en 2021, S.O.S. Fantômes L’Héritage, Spider-Man : No Way Home, Matrix Resurrections sont autant de films qui se conçoivent littéralement, explicitement dans leur rapport au public, intégrant à leur narration leur propre inutilité, et piratant ainsi leur rapport à la critique. On s'excuse pour cet exposé un brin aride, mais c'est aussi ce que provoque ce Scream, décidément pas vraiment à la hauteur de ses ambitions : réalisé par deux petits malins venus de la série B (le film à sketches gores V/H/S, la comédie sanglante Wedding Nightmare), Scream est d'abord un film fait par des fans. Oh, aucun doute sur leur sincérité, mais on aurait aimé que le film -qui prétend justement questionner le fandom toxique !- soit quelque chose de plus audacieux que ce retour aux sources plutôt sage, cette reprise un peu pimpée du premier opus de la série. Une séquence qui joue sur l'ouverture et la fermeture des portes(et donc sur l'attente du jump scare) ressemble ainsi plus à une idée pour un sketch de V/H/S qu'à une idée forte de cinéma.
Ceci dit, si les nouveaux venus sont sympas (mention spéciale au duo de frangines cabossées, incarnées par Melissa Barrerra et Jenna Ortega), c'est sur le terrain de l'héritage que doit se jouer un enjeu de cinoche. Que faire avec les survivants ? Là, c'est plutôt pas mal joué. Tout comme le Halloween de David Gordon Green, qui donnait à Jamie Lee Curtis l'occasion de dire adieu à sa Laurie devenue une survivaliste parano adepte des flingues et vivant dans une maison-bunker. C'était bien, hein ? Bonne nouvelle, le nouveau Scream n'est jamais aussi réussi que lorsqu'il fait briller David Arquette. Son personnage du gentil Dewey est devenu l'ombre de lui-même, un ex-flic alcoolo et handicapé ruminant ses souvenirs dans une vieille caravane. Le nouveau Scream lui donnera une nouvelle dimension, comme un accomplissement inespéré. C'est déjà pas mal.