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L’ancien petit génie du tournant du millénaire signe un thriller mi-horrifique mi-drôle hyper réjouissant.
Le modeste mais terriblement efficace The Visit a démontré la capacité de Shyamalan à se réinventer en petit maître du cinéma de genre après une série de films décevants qui avaient sérieusement entamé son crédit. Ultra rentable (il a rapporté vingt fois sa mise !), The Visit lui a en outre permis de bénéficier d’une grande autonomie artistique au sein du studio Blumhouse dans les limites des petits budgets maison. Résultat : un surcroît d’imagination et d’inventivité dont profite Split à plein.
L’atout Anya Taylor-Joy
Le magnétique James McAvoy interprète Kevin, un garçon légèrement dérangé qui possède 23 personnalités. Certaines sont cool, d’autres moins. Parfois, Kevin s’habille en femme ou s’exprime comme un enfant. Le docteur Fletcher, qu’il voit régulièrement, parvient à canaliser ses personnalités les plus troubles. Jusqu’au jour où elle perçoit confusément qu’il y en a une, profondément enfouie, qui commence à avoir une emprise maléfique sur les autres. Petit détail : Kevin a kidnappé et séquestré trois jeunes femmes dont la déterminée Casey au casier psy un peu chargé… Shyamalan ne cherche pas plus loin que cet argument assez simple de la confrontation entre deux âmes blessées qu’il mène à son point d’incandescence avec un art consommé du glissement narratif. Face à James McAvoy, épatant dans un rôle qui flirte avec le cabotinage, Anya Taylor-Joy impose sa présence tout en étrangeté, en féminité et en puissance. Elle incarne sans conteste le meilleur personnage féminin vu chez Shyamalan depuis Ivy Walker dans Le Village.
Maestria de la mise en scène
Au-delà de l’histoire qui trouve, dans son épilogue renversant, une autre raison d’être, Shyamalan a donc tout misé sur la mise en scène et sur sa gestion des espaces clos qu’il maîtrise comme personne –souvenons-nous de Sixième Sens et de Signes. Le sous-sol labyrinthique, qui abrite notamment le bureau secret de Kevin et sa geôle improvisée, est évidemment une métaphore de son cerveau malade, le passage d’une pièce à une autre pouvant générer un changement de personnalité. Shyamalan joue merveilleusement sur les plans vides, les décadrages, les changements de rythme, le son et la musique pour créer une ambiance poisseuse à souhait. Et quand il externalise l’action, à la faveur, par exemple, d’un flashback terrifiant sur Casey, le film gagne aussi bien en respiration qu’en dramaturgie. Pour finir, Shyamalan n’oublie pas de baigner son film d’une ironie permanente qui ajoute au trouble ressenti devant ce Split décidément insaisissable et dont le caractère méta n’a pas fini de nourrir les spéculations les plus folles.