Dans les entrailles de "The Grill", proche de Times Square, s'agite une micro-société en ébullition. Ici les commandes s’empilent comme les tensions s'accumulent. Pedro (impressionnant Raúl Briones) est un cuisinier mexicain ambitieux qui entretient une liaison secrète avec Julia (Rooney Mara), serveuse américaine enceinte qui envisage d'avorter. Autour d'eux gravite Estela, la nouvelle recrue fraîchement arrivée du Mexique, Rashid, le patron manipulateur, et une constellation d'employés aux origines diverses, unis par la cadence infernale des cuisines. Alonso Ruizpalacios, qui fut plongeur, connaît cet univers. Sa caméra virevolte dans un ballet technique éblouissant qui transforme cette cuisine en champ de bataille où s'entrechoquent les langues, les cultures et les ambitions. Un plan-séquence vertigineux pendant le service du déjeuner constitue l'un des moments les plus fous de ce film virtuose. Mais The Grill n’est pas seulement une chronique sociale; c’est surtout une allégorie sur l'Amérique contemporaine. Ces travailleurs invisibles, souvent sans-papiers, font mijoter la machine américaine tout en restant dans la vapeur des fourneaux. "Tu ne peux pas rêver dans une cuisine", lâche Pedro, lui-même porteur d'espoirs tenaces. Si le film s'étire parfois en longueur (2h19 !), la tension monte jusqu'à l'explosion finale cathartique. Adapté d'une pièce de 1957, le film trouve une résonance particulière dans l'Amérique d'aujourd'hui. À l'image des homards dans l'aquarium du restaurant, les personnages sont prisonniers d'une liberté illusoire. Et l’arrière- cuisine du rêve américain est bien moins glamour qu'on l'imagine.