Toutes les critiques de Trois amies

Les critiques de Première

  1. Première
    par Thomas Baurez

    Ça part franchement très mal avec une voix-off en surplomb qui définit les contours du récit. Un effet dont abuse les auteurs de comédies françaises pour créer une connivence sympa entre le héros et le spectateur. La parole chez Mouret n’est pourtant pas un simple accessoire, c’est même la raison d’être de ses films. Selon ses modulations, elle impose des rythmes différents, provoque des actions ou les contrarie. Elle habille surtout physiquement et psychologiquement des personnages retenus prisonniers par des dilemmes moraux pleinement formulés. Art de la rhétorique où le hasard ne saurait être accidentel. Une fois passé les premières minutes de ces Trois amies, cette parole redescend de son piédestal et vient créer une tension directe entre les protagonistes. Joan (India Hair) hésite d’ailleurs à se confier à Alice (Camille Cottin) sur l’érosion de ses sentiments envers son compagnon. Dire, c’est incarner les choses et donc admettre qu’elles existent. Or le cœur de Joan ne saurait mentir, là où celui d’Alice s’accommode des circonstances. Dans ces Trois amies, tout rejaillit à la surface des lèvres, des corps donc du cadre. Les mots emplissent et étouffent l’espace. Les actes tentent de s’accorder à la parole donnée ou confisquée. Emmanuel Mouret oppose assez courageusement aux vivants, un fantôme dont la présence spectrale interroge ici notre rapport au tangible. Trois amies se veut une variation sur le discours amoureux où chacun croise le fer avec sa propre conscience. La mise en scène fluide et élancée imprime une cadence foudroyante. Stimulant.