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Les plans sont fixes avec peu de mouvements à l’intérieur : a priori rien ne distingue Une vie de La Loi du marché, le précédent film de Stéphane Brizé d’autant que, dans les deux cas, il est question d’une effrayante réalité sociale qui écrase les plus faibles. Pourtant, on ne fait pas plus opposé que ces deux variations autour du thème du déclassement, indépendamment des différences d’époque et de milieu -Une vie, adaptation de Maupassant, se passe au 19ème siècle au sein de l’aristocratie de province. Tenté par l’épure depuis ses débuts, Brizé a opté pour le format carré, qui a pour effet de comprimer les personnages dans le cadre, manière d’évoquer leur cloisonnement. Un choix culotté qui se traduit par une absence de souffle romanesque que l’on était en droit d’attendre d’un tel sujet. Au grands espaces et aux sentiments exaltés Brizé a préféré un impressionnisme ténu porté par la délicate Judith Chemla, qui joue cette Jeanne poursuivi par la poisse (un mari infidèle, une fortune dilapidée) avec une retenue particulièrement frustrante -le cinéaste la filme en train de coudre, de bêcher, de dialoguer platement avec d’autres personnages tout aussi peu incarnés. Le temps d’une séquence de fuite dans la nuit, au lyrisme presque fantastique, on entrevoit ce qu’aurait pu être Une vie : un film en mouvement, insaisissable et accrocheur. Vivant, en somme. Christophe Narbonne