Ce qu’il faut voir ou pas cette semaine.
L’ÉVENEMENT
GET OUT ★★★★☆
De Jordan Peele
L’essentiel
Et si l’horreur, la vraie, c’était d’être un Noir en Amérique ? C'est le postulat du très malin et jouissif Get Out, meilleure satire politico-horrifique à nous parvenir depuis longtemps du pays de George Romero et John Carpenter.
Dans son documentaire Le 13e, Ava DuVernay expose la thèse glaçante selon laquelle le 13e amendement de la Constitution des États-Unis – celui abolissant l’esclavage –n’était en réalité qu’un leurre, le pouvoir blanc ayant prolongé l’état de servitude des Noirs américains grâce au système carcéral. D’une certaine manière, Get Out est la déclinaison pop-corn de cette théorie. Une nouvelle et terrifiante métaphore de l’éternelle oppression des Afro-Américains, racontée depuis les rangs du mouvement Black Lives Matter, mais fondue dans un thriller paranoïaque convoquant les spectres de Halloween, de La Nuit des morts-vivants et des Femmes de Stepford.
Frédéric Foubert
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PREMIÈRE A AIMÉ
VOYAGE OF TIME – AU FIL DE LA VIE ★★★★☆
De Terrence Malick
Quelques chutes utilisées dans The Tree of life avaient pu donner un avant-goût de ce que réserve Voyage of Time. À la première vision, on a l’impression d’un de ces trips immersifs qui rappellent certains passages de 2001 – L’Odyssée de l’espace, ou encore les films psychédéliques de Ron Fricke qui interrogent les rapports entre l’homme et l’éternité
Gérard Delorme
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PREMIÈRE A PLUTÔT AIMÉ
ON L’APPELLE JEEG ROBOT ★★★☆☆
De Gabriele Mainetti
Un voleur minable tombe dans un fleuve rempli de produits radioactifs et en ressort doté de superpouvoirs. Il va affronter ses anciens complices du gang local. Vous avez reconnu sans trop faire d’efforts le pitch le plus bateau et le plus usé de toute l’histoire des pitchs de films de superhéros : sauf qu’ici le fleuve s’appelle le Tibre et que la bagarre se déroule dans une banlieue prolo de Rome. Ce simple décalage spatial rend le film très excitant.
Sylvestre Picard
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BRAQUAGE À L’ANCIENNE ★★★☆☆
De Zach Braff
Les papys passent à l’action. Lassés de se faire avoir par leur banque et le système financier en général, trois grands-pères retraités décident de monter un braquage en vue de rembourser leurs pensions respectives gelées par leur ancienne entreprise. Énième production générique mettant en vedette des vieilles gloires du cinéma dans un film d’action pantouflard façon Red ? Dernier tour de piste pour clowns fatigués à la Last Vegas ? Ce serait mal connaître Zach Braff qui signe avec ce troisième long en tant que réalisateur une «dramédie» dans la lignée de son précédent film, Le Rôle de ma vie : punchlines bien senties, humour référentiel (les trois braqueurs amateurs regardent Un après-midi de chien avec Al Pacino pour parfaire leur éducation criminelle), situations absurdes et morale humaniste. Braquage à l’ancienne est moins un film de casse à la Ocean’s Eleven (même si on assiste à toutes les étapes de l’opération, du repérage à l’entraînement aux flingues en passant par le braquage proprement dit et la traque du FBI) qu’un feel-good movie intergénérationnel qui, sous couvert d’humour, fait passer un message ouvertement politique. Celui de la revanche des sans-dents se rebellant contre une machine capitaliste qui les fait plier un peu plus chaque jour. Si le propos final du film, ponctué d’un happy end attendu, est un brin naïf, on saluera l’optimisme et la ténacité avec lesquels Zach Braff dépeint ses héros, des vieilles légendes qui n’ont rien oublié de leur jeunesse rock'n roll.
François Rieux
EMILY DICKINSON – A QUIET PASSION ★★★☆☆
De Terence Davies
C’est l’histoire d’un repli monacal, d’une lutte contre les conventions sociales et la maladie, dans l’anonymat étouffant d’une maison du Massachusetts, au XIXe siècle. Pas très rock’n’roll, le destin d’Emily Dickinson ? Assurément. Le film est pourtant vif, drôle et enjoué. Du moins dans sa première partie, la plus lumineuse. Soit un enchaînement galvanisant de joutes verbales dégainées par de spirituelles ladies armées d’éventails. Avec elles, Davies brocarde les injustices de la société américaine de l’époque (pouvoir clérical et patriarcal, esclavagisme...) dans une hypnotique enfilade de champs/contrechamps : on virevolte ainsi d’une discussion à une autre, sans transition, comme si l’existence de la poétesse (Cynthia Nixon, impressionnante en dure à cuire au regard plein d’empathie, d’une douceur infinie) n’était finalement qu’un exercice cérébral délesté de toute assise empirique, si l’on excepte la douleur. Autrement dit, une pure spiritualité en mouvement, régnant sur le silence ecclésial du foyer des Dickinson. Mais cette église sans Dieu va se transformer en un véritable caveau dans une deuxième partie plus sombre (et un peu répétitive). En refusant de se marier au nom de sa liberté d’artiste, la rebelle va s’éloigner de ses proches moins subversifs qu’elle, pour peu à peu s’emmurer vivante. Son combat anticonformiste et féministe lui interdira le bonheur et la reconnaissance, mais engendrera une oeuvre immortelle, dont ce portrait ravive dignement la flamme
Eric Vernay
TUNNEL ★★★☆☆
De Kim Seong-hun
Vite, toujours plus vite. Arboré par la Corée du Sud depuis trente ans, ce leitmotiv économique n’est pas sans risques. En témoigne la tragédie du Sewol, ferry surchargé dont le naufrage a coûté la vie de plus de 300 personnes en 2014. La déshumanisation de ce capitalisme effréné a récemment inspiré un film de zombies (Dernier Train pour Busan). Kim Seong-hun choisit l’option plus réaliste du film catastrophe. Un automobiliste se retrouve brutalement enseveli sous un tunnel. L’accident déclenche un tsunami émotionnel entretenu par les médias. Mais à mesure que l’opération de sauvetage s’éternise – très coûteusement – vient sourdre une cruelle question : la vie de cet unique survivant mérite-t-elle d’être sauvée ? Le réalisateur de Hard Day répond par une satire politique efficace (bien que peu subtile), tout en ruptures de tons, mais surtout par l’empathie qu’il parvient à susciter pour son héros captif, jouant avec brio de la gestion de l’espace exigu, à la fois visuellement (gros plans étouffants) et acoustiquement (chaque caillou a sa note). Aussi impressionnantes que sporadiques, les scènes d’action semblent presque secondaires. Le cinéaste leur préfère les détails d’apparence plus anodine : ici, la présence incongrue de fluides corporels dans le cadre policé d’un blockbuster, là, un tapis roulant obligeant l’épouse du héros à marcher à reculons pour visionner le journal télévisé – avec l’idée d’une vie désormais condamnée au surplace. Une puissante fable humaniste.
Eric Vernay
DE TOUTES MES FORCES ★★★☆☆
De Chad Chenouga
Le deuxième long métrage de Chad Chenouga (après le remarqué 17, rue Bleue, sorti en 2001) va certainement être comparé à La Tête haute puisqu’il y est question du parcours d’un jeune placé en foyer, qui tente de s’en sortir. Il y a des éléments de comparaison, un côté tête brûlée et une propension à l’autodestruction du personnage principal. Chenouga accorde cependant moins d’importance aux causes et aux moyens mis en œuvre que Bercot, préférant se focaliser sur l’expérience solitaire de la fuite en avant, sans filets. En résulte un portrait tout en ruptures dont la justesse n’apparaît pas de façon immédiate et évidente. Khaled Alouach impose une présence subtile, là encore éloignée de l’incarnation animale, plus flamboyante, de Rod Paradot dans La Tête haute.
Christophe Narbonne
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
EN AMONT DU FLEUVE ★★☆☆☆
De Marion Hänsel
Deux hommes sur un bateau. Au rythme, lent, du fleuve qu’ils descendent, ils se dévoilent petit à petit au spectateur qui découvre leurs liens et leurs motivations. L’espoir d’un thriller en eaux troubles est vite désamorcée par la volonté de Marion Hänsel de faire des clapotis plutôt que des vagues. Rien de viscéral ni de brutal, encore moins de surprenant, dans ce huis-clos théâtral (le mouvement du rafiot n’en estompe pas la réalité) qui avance à la vitesse d’un pédalo. Reste le face à face viril entre deux natures imposantes, celles d’Olivier Gourmet et de Sergi Lopez.
Christophe Narbonne
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
BIENTOT LES JOURS HEUREUX ★☆☆☆☆
D’Alessandro Comodin
Deux hommes s’échappent d’on ne sait où et trouvent refuge dans la forêt. Puis un événement dramatique survient. Ellipse. Nous voici de nos jours. Ariane trouve un trou dans la même forêt et s’y aventure. À la manière (mais pas avec autant de style) des récits oniriques et mythologiques d’Apichatpong Weerasethakul, Alessandro Comodin (L’été de Giacomo) tisse un réseau de liens mystérieux et transcendantaux entre les êtres. Passé la première partie, intrigante, on s’ennuie ensuite ferme tant la multiplication des formes de récit (fiction naturaliste, documentaire, concept art) finit par nous faire lâcher prise.
Christophe Narbonne
Et aussi
Album de famille de Mehmet Can Mertoglu
Plus jamais seul d’Alex Anwandter
Bernard Heidsieck, la poésie en action d’Anne-Laure Chamboissier
Les pieds sur Terre de Batiste Combret
Reprises
Vivre vite de Carlos Saura
Faster, Pussycat! Kill! Kill! De Russ Meyer
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