Avec The Insider, le réalisateur américain sort son 10e film depuis qu'il a... arrêté sa carrière !
The Insider, sorti ce mercredi, est son deuxième film en deux mois. Et pourtant, Steven Soderbergh était censé être à la retraite... non ?
Retour en 2012. Le cinéaste américain, qui tourne des films depuis sa Palme d'or de 1989, Sexe, Mensonges et Vidéo, est usé par le métier. Il annonce alors son intention de se retirer du cinéma. "Quand tu arrives à un point où tu te dis : 'Si je dois monter dans une camionnette pour faire un autre repérage, je vais me tirer une balle', il est temps de laisser faire quelqu’un d’autre, encore excité à l’idée de monter dans la camionnette..." explique-t-il alors, disant souhaiter se consacrer à d'autres activités artistiques, comme la peinture. Son dernier projet devait être Ma vie avec Liberace, filmé à l'été 2012, avec Michael Douglas dans le rôle du pianiste flamboyant Liberace, sélectionné en compétition au Festival de Cannes 2013.
La retraite de Soderbergh a en fait été de courte durée, puisque dès 2014, on retrouvait son nom au générique de la série The Knick. Et il revenait au cinéma en 2017 avec Logan Lucky. Plus stakhanoviste que jamais, il a depuis tourné neuf autres films. The Insider, avec Michael Fassbender et Cate Blanchett, vient de sortir en salles en France, à peine plus d’un mois après le film d’horreur Presence. En attendant la suite (il est déjà sur le tournage du prochain), Première s'est amusé à classer les dix films qu'il a tourné durant ce qui est sans doute la retraite la plus prolifique de l’histoire du cinéma.
10. Magic Mike : Dernière danse (2023)
Troisième et dernier volet de la trilogie avec (les abdos de) Channing Tatum, après un deuxième opus que Soderbergh s’était contenté de produire. Salma Hayek flashe sur Mike et l’emporte dans ses bagages à Londres pour monter une pièce de théâtre. La chair est triste, l’intrigue est nulle. Quand il ne tourne pas des petits films prototypes, Soderbergh exploite ses franchises maisons (Ocean’s 8, la série The Girlfriend Experience…). Pas ce qu’il fait de plus excitant.
9. High Flying Bird (2019)
Une plongée ultra-documentée dans les coulisses de la NBA et du sport business, où la fiction est entrecoupée d’interviews de vrais joueurs – une idée développée au moment du Stratège, autre film de coulisses sportives (celles du base-ball), que Soderbergh devait tourner, mais qu'il a finalement abandonné à Bennett Miller. Filmé à l’iPhone 7 (comme Paranoïa), le film affirme le style à la fois réfrigérant et immersif du Soderbergh nouvelle manière. Le propos très critique sur le basket professionnel est peut-être très intéressant, mais l’austérité du dispositif et les tunnels de dialogues provoquent quand même pas mal d’ennui.
8. The Laundromat : L'Affaire des Panama Papers (2019)
Le deuxième de ses deux films Netflix de 2019, après High Flying Bird. Les Panama Papers expliqués sur un ton sarcastiquo-pédago. Les acteurs (Meryl Streep, Gary Oldman, Antonio Banderas) s’éclatent, on comprend tout à l'affaire, le sujet est soderberghissime (l’impact de l’ultra-libéralisme sur nos vies quotidiennes) mais le film finit par s’égarer en saynètes anecdotiques et laisse le souvenir d’un sous-The Big Short.
7. La Grande Traversée (2020)
Toujours à la recherche d’un nouveau défi technique et artistique, Soderbergh a tourné ce film-ci pendant deux semaines d’une traversée de l’Atlantique, à bord du paquebot Queen Mary 2, avec les vrais passagers et l’équipage en guise de figurants. C’est une allégorie de la création, du conflit entre les impératifs de l’art et ceux du commerce, avec une autrice superstar (Meryl Streep) en guise d’alter-ego du cinéaste, qui évoque ici ouvertement son tiraillement éternel entre goût pour l’expérimentation et nécessité de cartonner au box-office. Une Croisière s’amuse intello, assez charmante. Mais sans doute à réserver aux soderberghophiles les plus acharnés.
6. Logan Lucky (2017)
Le film du retour après la vraie-fausse retraite. Un Ocean’s Eleven à la campagne, un peu rouillé sur la plan de la mécanique du film de casse, mais très plaisant sur celui du hang-out movie, film de personnages bien dessinés avec lesquels on aime passer du temps. Channing Tatum en papa prolo au grand cœur, Daniel Craig en perceur de coffres peroxydé, Riley Keough pied au plancher… Film flâneur, de pur plaisir, sur l’air bien-aimé du Take me home, country roads, de John Denver.
5. The Insider (2025)
Un petit film d’espionnage british sur un couple d’agents secrets amoureux tentant de mêler conjugalité et duplicité, une sorte de Mr and Mrs Smith sans baston, un Sexe, Mensonges et Vidéo au MI6. Elégant, aérien, concis, amusant… Mais tellement chic et distancié qu’il prend le risque de paraître un peu vain. Idéal en tout cas pour la cinquième place de ce top.
4. No Sudden Move (2021)
Détroit, 1954 : une famille bien sous tout rapport est prise en otage par trois gangsters… A partir d’un argument minimaliste façon Maison des otages, Soderbergh et le scénariste Ed Solomon (son complice de la série Mosaic) questionnent au fil de ce polar rétro le racisme dans le Michigan des fifties, les ramifications monstrueuses du crime organisé et la toute-puissance du big business en Amérique. Le film finit moins fort qu’il ne commence, mais, dans ses meilleurs moments, No Sudden Move retrouve des accents à la Elmore Leonard. S’apprécie comme une face B, déglamourisée, de Hors d’atteinte.
3. Presence (2025)
Un film de maison hantée raconté depuis le point de vue du spectre. Pas très opérant sur le plan de la frousse, le film frappe par la tristesse de son constat sur la détresse existentielle de la bourgeoisie américaine, la mélancolie de ses plans-séquences balayant du regard, depuis l’au-delà, la demeure cossue mais désolée où se déroule l’action. Un film qui reste longtemps en tête après la projection. Qui hante un peu, oui.
2. Kimi (2022)
Une informaticienne agoraphobe (Zoë Kravitz), qui ne quitte jamais son loft de Seattle, voit sa vie trop ordonnée se dérégler quand elle tombe sur l’indice audio d’un crime, perdu au milieu des flux de données d’un serveur à commande vocale nommé Kimi… Un Conversation secrète updaté pour notre monde ultra-connecté et ultra-confiné, dépeint dans un mélange grisant de voyeurisme technophile, de rouerie artisanale et d’élégance laconique. Mené à toute vitesse (durée : 1h29), un petit film irrésistible.
1. Paranoïa (2018)
Le vrai grand film kafkaïen du réalisateur de Kafka. La géniale Claire Foy se retrouve enfermée dans un asile psychiatrique, où elle trouve qu'un des infirmiers ressemble étrangement au stalker qui la harcelait quand elle était dehors… Travaillant à immerger le plus possible le spectateur au cœur de l’action (une voie qu’il empruntera à nouveau dans la série Full Circle), Soderbergh est aussi à l’aise dans le regard critique sur les effets pervers d'un capitalisme s'immisçant dans les moindres recoins de notre psyché, que dans le pur plaisir pop-corn. Mi-ethnologue inquiet, mi-entertainer rusé.
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