L’adaptation des Liaisons dangereuses par Miloš Forman est à l’honneur ce soir de « Place au cinéma » sur France 5, présenté par Dominique Besnehard
Chaderlos de Laclos revu et corrigé
Avec Valmont, Miloš Forman adapte très librement Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos et revisite les complots ourdis par la Marquise de Merteuil et le Vicomte de Valmont, au nom de la séduction reine. C’est pendant ses études à la fac que Forman avait découvert ce roman avant de l’effacer quelque peu de sa mémoire jusqu’à ce jour de 1987 où il va découvrir, sur les conseils de son agent, son adaptation théâtrale signée Christopher Hampton. Forman peine alors à trouver un successeur à son Amadeus et, en relisant Les Liaisons dangereuses, il comprend qu’il tient sa perle rare. Mais plutôt que porter à l’écran la pièce d’Hampton, il choisit de livrer sa propre version, en collaboration à l’écriture avec Jean- Claude Carrière, qu’il retrouve 18 ans après Taking off. Et s’évertue à imaginer avec lui ce qui ne figure pas dans les lettres de ce roman épistolaire.
Une histoire d’amitié
Valmont est produit par Claude Berri, ami de longue date de Forman qui a changé le cours de son destin en 1967 alors que le cinéaste était à deux doigts de passer par la case prison. Suite à une mésentente artistique sur Au feu les pompiers !, le co- producteur italien du film, Carlo Ponti, avait en effet réclamé aux autorités tchèques – financier ultra- majoritaire du projet – les 85 000 dollars qu’il avait investis. Forman se vit alors accusé de « sabotage de l’économie socialiste » possiblement synonyme de dix ans derrière les verrous. Jusqu’à ce que Berri (avec François Truffaut) rachète les droits du film avant, en mai 68, d’aller récupérer avec la voiture de Truffaut la famille de Forman pour l’exfiltrer vers la France, alors que les chars russes entrent dans Prague. De ce lien indéfectible devait un jour naître un film. Ce sera donc Valmont où, là encore, Berri ne laisse pas tomber Forman même lorsqu’ils apprennent que Stephen Frears a acheté les droits de la pièce de Christopher Hampton et terminera Les Liaisons dangereuses avant que Forman ait achevé Valmont. « Je m’attendais à un coup de fil de Claude me disant ‘Désolé Miloš mais nous ne pouvons pas prendre le risque’. Il n’en a rien fait et je lui en serai éternellement reconnaissant » déclarera à la sortie du film Forman dans Première.
Michelle Pfeiffer tiraillée
La liberté laissée à Forman par Berri se retrouve aussi dans le choix du casting que ce dernier a réuni devant sa caméra pour Valmont, à commencer par ses deux têtes d’affiche alors peu connues du grand public. Forman a longtemps cherché son Valmont au point même de penser un temps décaler le tournage. David Duchovny, apparu jusque là uniquement dans Working girl, fut un des nombreux acteurs éconduits avant que Colin Firth ne débarque en casting. Lui aussi a peu d’expérience sur grand écran. Juste quatre films, dont Another country : histoire d’une trahison de Marek Kanievska et Un mois à la campagne de Pat O’Connor. Mais aux auditions, il emporte le morceau par la qualité de son jeu, son charme et son intelligence, expliquera Forman. Quant à Merteuil, elle fut source de longue hésitation pour Michelle Pfeiffer qui se vit proposer au même moment de tenir le rôle de Madame de Tourvel chez Stephen Frears. En choisissant de rejoindre John Malkovich et Glenn Close dans Les liaisons dangereuses, elle laissa le champ libre à une comédienne américaine familière de Broadway mais alors vierge de toute expérience au cinéma : Annette Bening. « Elle m’a plu car elle combine les qualités d’une star et d’une comédienne de caractère » soulignera Forman. Et celle qui n’avait jamais mis les pieds en Europe se retrouve donc à incarner une aristocrate française. Et deux ans plus tard, elle sera pour la première fois nommée à l’Oscar de la meilleure actrice pour Les Arnaqueurs, réalisé par… Stephen Frears ! Le cinéma est décidément un tout petit monde.
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