Films français à Cannes 2019
Abaca

Céline Sciamma, Justine Triet, Arnaud Desplechin et Ladj Ly composent une armada française qui a fière allure.

Chaque année, les spéculations autour des films français sélectionnés en compétition à Cannes vont bon train. Cette fois, il semblait acquis que les femmes seraient bien représentées. C’est le cas, puisque Céline Sciamma et Justine Triet font leur entrée en Compétition après avoir fait leurs armes dans les sections parallèles. La première avait présenté Naissance des pieuvres à Un Certain Regard en 2007 et Bande de filles à la Quinzaine des Réalisateurs en 2014 ; la seconde avait dévoilé La bataille de Solferino à l’ACID en 2013 et Victoria à la Semaine de la Critique en 2016. Céline Sciamma va concourir dans la plus prestigieuse sélection internationale avec Portrait de la jeune fille en feu, un film d’époque situé sur une île bretonne, à la fin du XVIIIème siècle. Une peintre y est mandatée pour faire le portrait de mariage d’une jeune femme. La réalisatrice retrouve pour l’occasion Adèle Haenel qu’elle avait révélée dans Naissance des pieuvres et devrait poursuivre son étude de la condition féminine à travers les âges et les milieux sociaux. Sibyl de Justine Triet marque aussi des retrouvailles : celles de la réalisatrice et de Virginie Efira après l’acclamé Victoria. L’actrice belge y joue une psy décidée à revenir à l’écriture quand survient dans sa vie une actrice enceinte au bout du rouleau (Adèle Exarchopoulos) qui lui demande son aide. Entre les deux femmes va se nouer une relation profondément ambiguë qui devrait plonger le récit dans les mêmes eaux existentielles troubles que celles dans lesquelles baignait Victoria.

Roulez Jeunesse !
La sélection française marque aussi la prise de pouvoir par la jeunesse. Sciamma (40 ans), Triet (40 ans) vont notamment côtoyer l’inattendu Ladj Ly (41 ans). Le cinéaste, issu du collectif Kourtrajmé, est la véritable révélation de la sélection au sens large. Il n’avait, jusque-là, que signé les documentaires 365 jours à Clichy-Montfermeil (sorti directement en DVD en 2007), 365 jours au Mali (diffusé sur Youtube en 2014) et À voix haute (coréalisé avec Stéphane de Freitas). Son premier long métrage de fiction s’intitule Les Misérables et devrait faire parler la poudre. Tiré de son court métrage éponyme, il raconte le quotidien d’un flic de la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil, dans le 93. Damien Bonnard y reprend son rôle aux côtés de jeunes acteurs inconnus. La déflagration 2019 ? Cette jeunesse au pouvoir symbolise le renouveau d'un cinéma français toujours aussi dynamique. Les organisateurs n'ont cependant pas oublié les grands anciens. La regrettée Agnès Varda sera présente à travers l'affiche officielle du Festival tandis que l'insaisissable Alain Delon recevra une Palme d'Or d'honneur qu'il a longtemps refusée.

Encore un ?
Arnaud Desplechin, enfin, est présent à Cannes pour la huitième fois -la sixième fois en Compétition.  Dans Roubaix, une lumière, il fait de Roschdy Zem un commissaire confronté à différentes affaires, en compagnie d’un bleu -joué par Antoine Reinartz, l’un des visages de 120 battements par minute. Sara Forestier et Léa Seydoux sont également à l’affiche. Le vétéran de la sélection française sera-t-il rejoint par une autre pointure ? On pense inévitablement à Abdellatif Kechiche et à la suite de Mektoub my Love, intitulée Intermezzo, que tous les pronostiqueurs annonçaient. Fini, pas fini ? Toujours brouillé avec Frémaux ? Impossible de savoir avec l’imprévisible Kechiche qu’on espère ici fortement... Un dernier mot sur les absents patentés. Longtemps pressentis, Toledano et Nakache ne sont finalement nulle part avec Hors normes, tandis qu’Alice Winocour (Proxima, avec Eva Green en astronaute) et Rebecca Zlotowski (Une fille facile, avec Zahia Dehar pour la première fois à l’écran) pourraient rebondir à la Quinzaine des Réalisateurs.