Dans la série Les Papillons noirs, déjà visible sur arte.tv et dès le 22 septembre sur Arte, l’acteur joue un vieil homme qui formait un couple de tueurs en série avec sa compagne, dans les années 70. Confessions d’un acteur dangereux...
Dans le portrait que lui l'année dernière il y a quelques mois Libération, Rachida Brakni le décrivait ainsi : « Avec ses yeux métalliques, Niels a la présence d’un Marlon Brando. Dans un milieu où les gens sont bavards, il ne s’épanche pas, car pour lui, la parole a un sens. » C'est exactement cet homme-là que l'on découvre, solidement ancré dans son fauteuil. La voix douce et le verbe clair, Niels Arestrup, 73 ans, vient défendre Les Papillons noirs d'Olivier Abbou. L'histoire d'Adrien (Nicolas Duvauchelle), auteur tourmenté d’un premier roman à succès, qui peine à accoucher du deuxième. Un vieil homme, Albert Desiderio (Arestrup, impérial), l’appelle un jour pour lui raconter sa plus grande histoire d’amour, Solange, l’histoire d’une vie… Le récit d’Albert s’avère être en réalité les confessions d’un couple de serial killers unis à la vie, à la mort. Rencontre.
Le tueur en série, c’est une première dans votre galerie de personnages…
Niels Arestrup : Oui, je rentrais dans quelque chose que je ne connaissais pas, même si j’ai parfois joué des personnages assez violents. Sauf que là, cette violence avait une source. Ces deux personnages sont de grands blessés qui se reconnaissent et arrivent à être à deux, à s’aimer. Car c’est avant tout une histoire d’amour. Seule une série pouvait restituer quelque chose de cet ordre. Ça donne un coup de vieux terrible au cinéma.
Dans quel sens ?
Le cinéma est marqué par un certain conformisme. Il y a ce qu’on peut dire et ce qu’on ne peut pas dire ; ce qu’on peut montrer et ce qu’on ne peut pas montrer. Et là, on montre tout, on dit tout. Cela dit, j’arrive à un moment de ma carrière où les rôles se raréfient. Je comprends bien qu’il n’est pas toujours possible d’avoir un vieux intéressant dans un scénario. Il faut accrocher le public avec des jeunes, pas avec des vieillards et leurs histoires qui n’intéressent personne.
C’est toujours important de jouer pour vous ?
Important… Disons inévitable. On croit qu’on construit sa vie, sauf que c’est quelque chose d’autre qui s’en charge : vos traumatismes, vos expériences, vos rencontres d’enfance… J’ai quand même pris mon pied. Être acteur, c’est vivre quelques dizaines de vies, mais par petits bouts. Et ne jamais avoir à trop se poser de questions sur la sienne.
Ça déplace le besoin d’introspection ?
Oui. On croit qu’on joue. Alors d’accord, on joue. Un peu. Mais en fait, on incarne. Et donc ça bouge à l’intérieur de vous. Parce qu’il faut trouver des ressorts, des racines. C’est une vie assez privilégiée qui permet de n’être jamais dans le même état. Mon père et ma mère étaient ouvriers dans une usine, ils ont espéré que la retraite serait autre chose. Mais quand elle est arrivée, vers 65 ans, ils n’avaient plus l’énergie de se dire : « On déménage, on se casse. » Le corps ne répond plus de la même façon, la tête est fatiguée… On reste sur ce qu’on a déjà vécu. Et puis on part.
Donc la retraite vous semble inenvisageable ?
Ça n’existe pas dans ce métier. Le mec qui dit : « Excusez-moi, je suis fatigué, j’ai tout vu », ça n’est pas un acteur. Je ne connais pas mon prochain personnage, je ne soupçonne pas la prochaine histoire. On est toujours dans la possibilité d’autre chose. Certaines vies sont des voyages organisés, d’autres des aventures.
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