Connu pour les Kaïra, Pattaya ou Taxi 5, l’acteur et réalisateur Franck Gastambide abandonne le registre de la comédie pour sa première série, plongée enivrante et dramatique dans l’univers impitoyable du rap français. On en redemande.
L'intégralité de la saison 1 de Validé sera disponible en exclusivité sur les plateformes myCANAL et Canal + Séries ce vendredi 20 mars à 00h01.
Après la police (Engrenages), la mafia corse (Mafiosa), la politique (Baron noir) et l’hôpital (Hippocrate), la nouvelle création originale de Canal+ nous plonge dans un milieu à peu près inédit dans la fiction française : le rap. Un comble pour le genre musical le plus populaire de l’Hexagone. La chaîne cryptée s’y était timidement essayé, il y a près de dix ans, avec De l’encre (2011), petite série en trois épisodes écrite et réalisée par Hamé et Ekoué du groupe La Rumeur, qui nous contait l’histoire d’une jeune rappeuse engagée qui se retrouvait à écrire pour un artiste commercial. Une incursion dans l’univers de la musique urbaine (le terme qu’on utilise pour les gens qui ont peur du rap) intéressante mais trop brève et restée sans suite. On pourrait aussi remonter le temps et citer le film Dans tes rêves (2005), avec Disiz la peste, une tentative de 8 Mile à la française malheureusement trop édulcorée pour être satisfaisante. La première saison de Validé, qui s’étale sur dix épisodes de 26 minutes, assume, elle, totalement son sujet et affiche des ambitions bien plus élevées. Complètement ancrée dans la réalité, dynamique et sans concessions, bourrée de caméos prestigieux et de références à l’actualité, elle est bien partie pour s’imposer comme le Dix pour cent du rap. Une étiquette que Franck Gastambide, son créateur, ne renie pas même s’il préfère citer la série américaine Entourage comme modèle.
VRAIS RAPPEURS
Avec Validé, l’amateur de musique rap en prend plein les yeux et les oreilles. D’abord, parce que les personnages de rappeurs sont joués par des rappeurs (ou ancien rappeur, comme Mastar, incarné par Moussa Mansaly, qui donnait la réplique à Gastambide dans La Surface de réparation). Le jeune artiste Hatik, qui commence tout juste à se faire un nom dans la musique, a ainsi décroché le rôle principal de Clément, alias Apash, un rappeur amateur qui explose à la face du public en faisant irruption de manière insolente dans le Planète Rap (émission phare du genre en France) de Mastar, qui a lui une longue carrière derrière lui. Époustouflant au micro, Apash se retrouve aussitôt sous la coupe de Mastar, mais pas vraiment sous son aile. Le vétéran veut prendre la « force » de son poulain plutôt que de lui en donner. Car Validé est une série sur la musique, mais aussi sur la rue et la difficulté à s’imposer dans un milieu où la réussite suscite vite la jalousie. Pour percer dans le rap, il ne suffit pas d’avoir du talent et un peu de chance. Il faut être « validé ». Validé par les « grands » et les potes du quartier qu’il faut « faire croquer », validé par les autres rappeurs, validé par les médias, validé par les maisons de disques, et bien sûr validé par le public et les réseaux sociaux. Dans ce contexte, chaque erreur se paie cash et la route du succès s’avère être un chemin semé d’embûches où on se demande constamment si le jeu en vaut vraiment la chandelle.
AMATEURS ET CAMÉOS
En dehors d’Adel Bencherif (Un prophète), de Sabrina Ouazani et de Franck Gastambide, qui s’est attribué le rôle du producteur (DJ Sno) tiraillé entre les deux artistes, le casting de la série repose essentiellement sur des acteurs non conventionnels, y compris pour les rôles annexes, comme William (Saïdou Camara) et Brahim (Brahim Bouhlel), les deux amis de Clément qui vont l’aider à se faire une place dans cet océan infesté de requins. On retrouve aussi une liste de caméos impressionnante, qui raviront les fans du genre, avec des stars issues de toutes les générations (Lacrim, Ninho, Chris Macari, Soprano, Kool Shen, Mac Tyer, Cut Killer, Busta Flex...), mais aussi de nombreuses personnalités des médias rap (et pas que). Un assemblage donnant beaucoup de fraîcheur et de crédibilité à la série, qui nous immerge littéralement dans cet univers encore plus impitoyable que Dallas. Cette candeur permet de passer outre le jeu parfois un peu léger de ces comédiens amateurs. D’autant qu’elle est appuyée par une réalisation impeccable et une écriture punchy. Alternant humour et drame, moments de tendresse et accès de violence, Validé nous fait suivre les hauts et les bas du parcours d’Apash, avec ce qu’il faut de scènes choc et de rebondissements bien sentis pour tenir en haleine le spectateur dans cette montagne russe où le spectre de La Haine (le film de Kassovitz reste LA référence de Gastambide) n’est jamais très loin. Pour sa première incursion dans le monde de la série, Franck Gastambide frappe un grand coup et livre son meilleur projet à ce jour. Validé, on vous dit.
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