- Fluctuat
Ce film avait été annoncé comme le grand retour d'un cinéaste italien perverti par Hollywood et son lot d'épopées mièvres. Las ! Seuls quelques plans historiques - citations cinéphiliques d'A Bout de Souffle, de Mouchette, musique des 400 Coups donnent quelques frissons. Mais ni la mise en scène, ni le scénario, ni même les jeunes acteurs à qui on prédit pourtant le destin de stars bohèmes, n'épargneront le spectateur de l'ennui.
Isabelle est belle. Isabelle fume. Isabelle provoque. Isabelle fait la révolution. La première fois que Matthew lui parle, elle s'est faussement enchaînée aux portes de la cinémathèque. Henri Langlois, grand saint patron des cinéphiles soixante-huitards est inquiété par les autorités et viré de son établissement. Godard est dans la rue, images d'archives à l'appui. Ce jour là, les cinéphiles qui habituellement s'enfermaient en envoyant le monde se faire foutre, laissèrent les combats Hitchcocko-Hawksiens (pour faire court, Les Cahiers du Cinéma contre Positif) pour défendre la Culture. Nous sommes en 68, les prolétaires battent le pavé pour changer le cours du monde. C'est le temps de la splendide révolution que nos parents - aujourd'hui cadres ou chefs d'entreprise sans vergogne - regrettent encore et Bertolucci ne s'écarte jamais de cette belle image d'Epinal.Quant à notre américain genre Gene Kelly, il en perd le peu de français qu'il était venu apprendre. Captivé, enivré par l'aplomb de cette jeune femme, il tombe bien vite dans ses séduisants filets. Isabelle a un frère jumeau, Antoine. Entre eux l'entente est une lutte passionnelle. Transposant le jeu de celui qui pisse le plus loin, ce dernier l'entraîne dans des défis sadico-cinématographiques. Paris relevés, Matthew adopté. Commence alors un ménage à trois où tous jouent des interdits incestueux. La belle affaire. Tandis que dehors il tombe des pavés, qu'on a encensé l'amour contre la guerre, Bernardo Bertolucci nous fait un film sur l'inceste, passant totalement à côté de son sujet premier : mai 68. Chaque protagoniste aura alors sa part de tirade égocentrique et révolutionnaire sur l'amour, le monde et le cinéma sans que le spectateur en ait finalement quoique ce soit à en faire. Dommage.Les Innocents
Réalisation : Bernardo Bertolucci
Avec Michael Pitt, Eva Green, Louis Garrel, Robin Renucci, Anna Chancellor.
EU-GB-France / 2002 / 1h56
Sortie nationale le 10 Décembre 2003