Première
par Elodie Bardinet
L'été approche dans le village de Longué. Jojo (Amaury Foucher, une révélation) et Willy (Sayyid El Alami, découvert dans Oussekine), deux amis "à la vie à la mort", se préparent au challenge censé définir leur avenir : gagner une course de motocross pour l'un et obtenir le Bac pour l'autre. Mais un secret lourd de conséquences les fera brusquement basculer à l'âge adulte. Salué pour sa reconstitution minutieuse de la France des années 1980 dans sa série Oussekine, Antoine Chevrollier frappe tout aussi fort avec son premier long qui brasse une multitude de sujets de société (à commencer par la difficulté d’assumer son homosexualité en milieu rural) sans jamais les étouffer. Ayant lui-même grandi à Longué, où l'ennui guette et la rumeur tue, le réalisateur a connu cette envie de s'ouvrir au monde, de partir étudier à la ville pendant que les copains restent "coincés" au village. Par petites touches, son film dépeint leur spleen adolescent : le terrain de cross devient le décor d'un tabou destructeur, l'hôpital en friches celui d'un fou rire incontrôlable et déchirant... Sa mise en scène vive -les courses filmées en GoPro embarquent littéralement le spectateur sur les motos-, toujours au plus proche de ses acteurs, laisse éclater l'émotion au fil de cette histoire aussi éminemment intime que puissamment universelle. Et la sincérité du propos doit beaucoup à ses interprètes bluffants, dont Artus qui, déjà dirigé par Chevrollier sur Le Bureau des légendes, surprend particulièrement dans un rôle à contre-emploi.