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Depuis Quand j’étais petit, son deuxième film, Jean-Paul Rouve laisse émerger une émotion à fleur de peau. Son sujet de prédilection : la famille. Les souvenirs racontaient avec beaucoup de douceur et d’élégance la fin de vie d’une grand-mère, et sa relation à son petit-fils. Lola et ses frères est dans la même veine. Cette fois-ci, c’est sur un étrange trio frères-sœur que se penche le réalisateur avec un scénario original coécrit avec David Foenkinos, dont il avait d’ailleurs adapté le roman, Les souvenirs. Ils tissent une comédie qui joue sur les pudeurs et les masques dont les dialogues ciselés viennent révéler les creux et les bosses de ces adultes en manque de repères. Il y a le frère aîné qui n’arrive pas à se construire une deuxième famille (Jean-Paul Rouve sobre et touchant), il y a le cadet qui bouffe la vie à 100 à l’heure et se fait materner par son fils (José Garcia vibrionnant et tordant) et il y a la sœur, étouffée et sage qui cherche l’amour (Ludivine Sagnier étonnante dans un nouveau registre).
Entre rire et émotion
Il est beaucoup question de transmission et d’hérédité dans ce film-là où la fratrie orpheline de père et de mère se donne rendez-vous sur la tombe de leurs parents. Les scènes autour au cimetière sont à la fois touchantes et burlesques tant il est ironique de voir ces grands enfants engager un dialogue sans réponse. Mais la tragédie du deuil n’est jamais loin de la comédie apportée par le personnage de Jacques Boudet (un veuf imagine-t-on) qui tente de préserver la solennité du lieu brisée par le chahut des disputes fraternelles. Ainsi la vraie problématique est posée : comment parvenir à se construire et à se projeter quand on n’a pas pu régler sa relation aux parents ? Cette nostalgie est accentuée par la musique de Jean-Jacques Goldman qui vient bercer le film. Il est beaucoup question aussi du rôle qu’on tient dans une famille. Le rôle qu’on s’octroie, celui qu’on nous donne. Gérant avec malices quiproquo et lapsus, Jean-Paul Rouve révèle ainsi progressivement la véritable nature de ces protagonistes. Il en a fait de même avec le casting, unissant sur le devant de l’affiche trois comédiens venus d’horizons très différents. Rouve et Garcia représente chacun un type de comique : le premier dans la froideur et la précision du clown blanc, le second dans la folie et la gestuelle de l’auguste. Au milieu, Sagnier va de l’un à l’autre, douce ou cassante, elle prend en assurance à mesure qu’elle gagne en indépendance. Ils sont les trois forces de ce beau film familial.